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Le juge Connerotte s'exprime.....

juge-connerotte.jpg

Réédition d’un article du 3-12-2002, rédigé par la journaliste Annemie Bulthé, dans le périodique flamand « Humo ». Source

« Cher Monsieur Bourlet, lorsqu’en août 1996, durant une interview sur l’affaire Dutroux vous avez laissé échapper vos fameuses paroles ‘si on me laisse faire’, cela a provoqué pas mal de remous dans les médias. Vos paroles ont été, de manière assez compréhensible, mal interprétées mais en fait, vous aviez raison. Vos paroles étaient visionnaires ».


Ceci est un extrait de la lettre que Jean-Marc Connerotte écrit, le 27 octobre 2000, au procureur Michel Bourlet. Dans cette lettre, Connerotte fait savoir qu’il a le sentiment d’être, depuis six ans déjà, la cible d’une campagne « qui a pour but de faire échouer l’instruction judiciaire de certains dossiers sensibles et ce, avec l’aide de certains médias » : il y a d’abord eu l’assassinat du bonze du parti socialiste André Cools, puis l’affaire Dutroux. En réaction à cette lettre, absolument sans équivoque, Connerotte a été prié de s’expliquer au cabinet du juge d’instruction Jacques Langlois. Un juge d’instruction qui soumet son collègue à un interrogatoire est pour le moins une ‘initiative inhabituelle’. Mais, à Neufchâteau, on n’en est pas à une chose inhabituelle près.

« Il faut raison garder » soufflait le juge d’instruction Jean-Marc Connerotte le 14 octobre 1996 lorsqu’il s’est vu retirer l’enquête Dutroux par la Cour de Cassation pour ‘suspicion légitime de partialité’. L’opinion publique a été assez effarée devant l’arrêt spaghetti, mais Connerotte lui-même n’a pas bronché. Plus tard également, lorsque des journalistes tentaient d’atteindre le Palais de justice de Neufchâteau, où il s’occupait des ‘affaires courantes’, ces journalistes ont toujours eu au bout du fil un magistrat aimable qui répondait toujours poliment « qu’il ne souhaitait donner aucun commentaire ».

Il en va toujours de même aujourd’hui. La guerre a repris de plus belle à Neufchâteau au sujet du dossier Dutroux. Surtout depuis que des articles sont parus dans le quotidien De Morgen et dans l’hebdomaire Le Journal du Mardi. Le Morgen notamment écrivait que le juge d’instruction Jacques Langlois, successeur de Connerotte, devait sa nomination au rang de magistrat, en 1993, à l’ancien ministre PSC Joseph Michel. Plus encore, d’après les partisans du PSC de la province du Luxembourg, Langlois était le ‘protégé de Joseph Michel’. Michel a d’abord lançé Langlois dans la politique communale, comme conseiller à Etalle, ensuite dans la politique provinciale, comme conseiller pour la province du Luxembourg. Plus tard, Langlois fut nommé juge d’instruction toujours grâce à l’intervention de Joseph Michel. Cela n’a rien d’étonnant en soit : à peu près tous les magistrats de Belgique ont une couleur politique. Ce qui est bizarre, c’est que dès 1978, le même Joseph Michel mettait dans la balance tous son poid en tant que ministre pour sortir Michel Nihoul de prison, c’est ce qu’ajoute le journal. L’opération a réussie. Nihoul purgeait, à ce moment-là, une peine de prison pour malversation financière, mais il fut libéré, anticipativement, peu après les démarches de Michel. Nihoul qui n’a jamais cessé de clamer, en public, qu’il était présent avec des magistrats et des hommes politiques, lors de différentes partouzes, organisa quelques années plus tard, des campagnes électorales pour les politiciens du CEPIC, l’extrême-droite du PSC, à laquelle appartenaient, entre autres, outre Joseph Michel, Paul Van den Boeynants et le baron Benoît de Bonvoisin.

Renvoyé ou pas ?

Quelques jours après la parution de l’article du Morgen, le Journal du Mardi écrivait quant à lui que le juge d’instruction Langlois avait lancé, en 1997, une offensive médiatique afin de faire blanchir Michel Nihoul. Le journal faisait référence à un document du procureur Bourlet qui révèlait comment, le 12 septembre 1997, il avait découvert qu’une réunion avait eu lieu au Palais de justice de Neufchâteau, entre Langlois et trois journalistes collaborant à un reportage de l’émission RTBF Au Nom de la Loi. Dans ce reportage, diffusé cinq jours plus tard, les indices de culpabilité que Connerotte avait rassemblés contre Nihoul étaient carrément tournés en dérision. L’émission marquait un tournant dans la manière dont l’opinion publique regardait l’affaire Dutroux.

Certains médias ont qualifié les articles parus dans le Morgen et dans le Journal du Mardi de ‘campagne scandaleuse pour discréditer Langlois’, nouvelle épreuve de force entre croyants et non-croyants, afin d’influencer l’enquête Dutroux. Neufchâteau est, en effet, actuellement dans une phase décisive. Le 17 janvier prochain, Francis Moinet, le président de la Chambre du Conseil, devra décider qui, dans l’affaire Dutroux est renvoyé aux Assises. Après quoi, la Chambre des Mises en Accusation, se penchera aussi sur l’affaire, puis il y aura le fameux compte à rebours avant le procès tant attendu dans l’affaire Dutroux qui, au mieux, ne pourrait commencer qu’à l’automne 2003.

La grande question, en ce moment, est de savoir si Michel Nihoul sera renvoyé aux Assises également. Langlois a toujours affirmé qu’il n’y avait rien à trouver à charge de Nihoul. C’est pourquoi il ne demande aucun renvoi aux Assises. Bourlet, quant à lui, trouve que Nihoul devrait comparaître devant les Assises, parce qu'il existe déjà une série d’indications suivant lesquelles Nihoul a été le meneur dans la bande Dutroux dans le volet trafic de drogues. Le trafic de drogues est selon Bourlet intimement lié à l’enlèvement des enfants.
Connerotte écrit

Le ministre de la justice Marc Verwilghen a, entre-temps, fait savoir qu’il examine de plus près les indications qui font état de la partialité éventuelle du juge d’instruction Langlois. Mais il n’est pas très enclin à, de nouveau, reporter le début du procès Dutroux. Nihoul a fait savoir par l’intermédiaire de son avocat qu’il déposerait plainte contre le procureur Bourlet.

Et le juge d’instruction Connerotte ? Pendant tout ce temps et jusqu’à aujourd’hui, il s’est tenu à l’arrière plan, tout en suivant, bien sûr, l’affaire de très près. Sa lettre à Bourlet du 27 octobre 2000, montre qu’il se pose de sérieuses questions sur l’évolution des choses dans la dossier Dutroux depuis le jour où il s’en est vu retirer la charge.

« Les faits dans le dossier Dutroux sont tellement graves » écrit Connerotte « que l’on peut tout de même supposer que des enquêteurs allaient mettre tout en œuvre pour découvrir la vérité. Mais c’est le contraire qui se produit : on a rarement mis autant d’énergie contre une instruction. Cela est vrai depuis août 1996 ».

Connerotte fait un parallèle avec ses expériences vécues dans le dossier de l’assassinat d’André Cools où, tout comme dans l’affaire Dutroux, il a été retiré de l’instruction par la Cour de Cassation (le 1er juin 1994). Il était alors sur la piste de ce que l’on a appelé les ‘titres volés’ et il avait fait arrêter quelques suspects de l’entourage du cabinet de feu Alain Vanderbiest. Connerotte pense qu’aussi bien dans l’affaire Cools que dans l’affaire Dutroux, les médias (téléguidés par certains hommes politiques) ont joué un rôle néfaste. Un des exemples concrets qu’il cite pour accréditer cette thèse, est précisément celui de l’émission RTBF Au Nom de la Loi. Il trouve également bizarre de voir avec quelle ‘sélectivité’ le Parquet général général de Liège réagit sur les fuites dans les médias : « Les médias (par exemple les responsables d’Au Nom de la Loi) qui ont aidé à dénigrer des enquêteurs ou des magistrats (Bourlet et Connerotte, ndlr) et les enquêteurs qui ont donné des informations à ces médias semblent manifestement être protégés » écrit Connerotte « tandis que d’autres enquêteurs et magistrats sont suspectés de violation du secret professionnel. Dans les enquêtes menées à leur encontre, on ne s’épargne vraiment aucune peine. Pire encore, ils sont souvent l’objet d’un véritable lynchage médiatique ». La remarque que fait Monsieur Connerotte prend une dimension supplémentaire à présent que l’on sait que l’un des informateurs d’Au Nom de la Loi, n’était autre que Jacques Langlois lui-même.


Une vraie passoire

Lisons ce que contient le compte rendu de l’audition auquel le juge Langlois a soumis son collègue Connerotte le 8 décembre 2000. Le juge Langlois a sous les yeux la lettre que Connerotte adresse à Bourlet (qui a, entre-temps, été jointe au dossier Dutroux) et il demande à Monsieur Connerotte de lui fournir des explications.

Langlois : « Je vous montre un passage de votre lettre, le passage dans lequel vous dites qu’il y a une campagne visant à faire échouer l’instruction judiciaire concernant certains dossiers sensibles. Vous mettez en cause le rôle de certains hommes politiques et de certains médias qui mettent en route un processus de - je vous cite – outrages, isolement et mise à l’écart de magistrats, d’enquêteurs, de témoins… qui étaient, selon vous, en train de découvrir des éléments importants pouvant élucider l‘affaire. Que voulez-vous dire par là ? Quels sont ces éléments ? »

Connerotte : « Je crois qu’un tel processus (d’outrage) est vraiment en cours. J’ai écrit ma lettre en réaction à deux instructions judiciaires qui manifestement ont été initiées par le Parquet général général de Liège : l’enquête sur les fuites dans le dossier Dutroux, et une autre que me vise directement, et aux termes de laquelle je serais suspecté de faux en écriture… »
Un petit mot d’explication. L’enquête sur les fuites dans l’affaire Dutroux a été initiée fin 1997, par le Procureur général liégeois Anne Thily, après qu’elle se soit fâchée en commission parlementaire Dutroux à propos des fuites dans les médias. (Rapellez-vous les images d’une Thily hystérique qui criait d’une voix forte : « C’est terminé ! ») L’enquête était officiellement menée contre X, mais il ressort des devoirs d’enquête, que Liège soupçonne, essentiellement, le procureur du Roi Michel Bourlet. Tant son téléphone privé, que sa ligne au Palais de justice sont mis sous écoute. Toutes les conversations entrantes et sortantes ont été enregistrées. Le téléphone du chef de la cellule Nihoul, Raymond Drisket, est soumis au même régime.

Il ressort de l’enquête liégeoise qu’après quelques mois, la fuite se trouve ailleurs : un enquêteur de la police judiciaire est désigné du doigt par un journaliste de Vers l’Avenir comme étant sa source. L’enquêteur a même fait des aveux. Malgré ces nouveaux développements, on estime bien confortable à Liège de surveiller les conversations téléphoniques de Michel Bourlet et de l’enquêteur Drisket. Leur téléphone sera surveillé pendant toute la durée de l’enquête et ce, durant deux ans.

Le 23 avril 1999, le juge d’instruction Connerotte est finalement interrogé par le conseiller Joachim chargé de l’enquête. Connerotte s’étonne d’être interrogé à ce stade très tardif de l’enquête. Il trouve également que les questions qui lui sont posées sont étranges.

Connerotte : « Durant cette audition, j’ai remarqué que je n’avais pas été immédiatement soupçonné de violation du secret professionnel dans le dossier Dutroux. (…) On m’a posé des questions sur une toute autre affaire qui n’avait absolument rien à voir avec le dossier de Monsieur Joachim. C’est ainsi par exemple que l’on me demandait si je n’avais jamais participé à des petites fêtes dans la cave à vin de Monsieur De Santis à Charleroi » (un des suspects dans l’assassinat d’André Cools, ndlr) ! « Autant dire que j’étais très surpris en entendant cette question. Je sais d’où vient l’information erronée selon laquelle je connaîtrais personnellement et très bien Monsieur De Santis : c’était un membre de la police judiciaire qui voulait ainsi salir mon image. Je dois ajouter que cette attaque n’était pas directement liée à l’enquête sur les enfants disparus mais bien à l’enquête sur Dutroux concernant le trafic de voitures volées ». (Il s’agit du dossier 87/96 qui était entre les mains de la BSR de Bastogne, où l’on voyait nottamment que les policiers de Charleroi, parmi lesquels Georges Zicot, étaient soupçonnés de corruption, ndlr).

Je m’étais – par exemple dans une lettre du 13 septembre 1996 – précédemment déjà plaint de ce type de manœuvres. A ce moment-là, elles venaient toujours de la police judiciaire. Mais je n’exclus pas que certains gendarmes se soient livrés à des pratiques analogues. Je vous l’ai déjà expliqué dans une lettre du 12 octobre 2000.
Avalanche de pistes

Langlois : « Dans votre lettre, vous évoquez des pistes qui sont très largement répercutées par les médias mais qui se révèlent fausses après coup et qui ainsi portent un certain discrédit sur l’enquête. Quelles sont ces pistes ? Quels sont les éléments concrets sur lesquels vous vous basez alors que vous ne menez plus personnellement cette instruction depuis le 14 octobre 1996 ? »

Connerotte : « Je vous ai écrit ce que j’ai vécu dans les dossiers Cools et Dutroux. Dans les deux cas, nous avons été inondés d’une avalanche de pistes et je pense que cela n’a pas été de nature à faciliter le travail du juge d’instruction. Une chose que j’ai déjà soulignée et dont je me suis déjà suffisament plaint précédemment ce sont les circonstances effroyables dans lesquelles je devais travailler dans l’affaire Dutroux. (…) Quelques docteurs en droit, au cours de cette période, ont d’ailleurs fait part de leur inquiétude en voyant mon état d’épuisement physique. Ils disaient : ‘ Un beau jour, Connerotte fera des boulettes’.

Dès le début de l’affaire Dutroux, j’ai demandé à ce qu’un juge d’instruction et un greffier supplémentaires soient affectés à l’enquête. Comment un seul juge d’instruction qui dispose insuffisamment de personnel, pouvait-il avaler une montagne pareille d’informations et séparer l’important de l’accessoire ? Surtout si l’on considère qu’à cette période, très précisément en août 1996, nous courrions après les évènements et je devais être pratiquement disponible 24 heures sur 24… C’était fou. (en français dans le texte ndltr). J’ai subi ces conditions de travail comme une forme de pression. Et alors, je ne parle pas de cette autre pression qui m’a été imposée lorsque ma famille et moi-même avons été l’objet de protection de la part de la gendarmerie, aussi bien à la maison qu’au travail, et ce, 24 heures sur 24 ». (Jour et nuit Connerotte était sous la surveillance de la gendarmerie après avoir été l’objet de menace de mort, ndlr).
« Je n’estimais sûrement pas impossible que je sois l’objet de manipulations. Nous recevions tout le temps des informations sur des pistes étranges. Les médias les répercutaient mais pour nous, ce n’était que perte de temps. (…) Pensez à la secte Abrasax (la secte satanique qui à un certain moment a été soupçonnée d’abus rituel d’enfants, ndlr) et aux travaux d’excavation à Jumet. Si je me souviens bien, les premiers indices dans ces deux affaires sont apparus dans les documents qui m’avaient été mis sous le nez dès le début de l’enquête. Après coup, c’est précisement Abrasax et Jumet qui ont été utilisés par les médias comme arguments pour dire que toute l’enquête avait été manipulée, et avait abouti à de fausses pistes. J’ai vécu à peu près la même chose dans le dossier Cools, où la police avait commencé à manipuler l’affaire, en faisant également l’objet d’articles et de comptes rendus à foison dans les médias ».


Opération Zoulou

Le fait que Connerotte ait été interrogé par Monsieur Joachim à Liège, n’était pas la seule raison pour laquelle il décidait de s’exprimer. La seconde raison est une information diffusée à la RTBF-radio, le 24 février 1999, disant que « le juge d’instruction Connerotte était poursuivi pour faux en écriture ». L’annonce mentionnait que le Parquet général général de Liège entamait une enquête à charge du juge d’instruction Connerotte, après une plainte déposée par quatre policiers de Charleroi. Ceux-ci contestaient la légalité des perquisitions effectuées par police de Charleroi, à la demande de Monsieur Connerotte, le 9 septembre 1996, dans le cadre de l’Opération Zoulou. Connerotte était à la recherche d’indices suivant lesquels Marc Dutroux aurait bénécifié de protections dans les milieux policiers de Charleroi. La RTBF poursuivait en disant que « le Parquet général général de Liège prenait la plainte très au sérieux et que le juge d’instruction Connerotte serait appellé à s’expliquer devant la justice ».

Dans sa lettre du 27 octobre 2000, Connerotte se demande comment il se fait qu’il n’ait pas été informé de cette enquête menée contre lui, alors que le RTBF pouvait en parler sur antenne. Connerotte considère cela comme une nouvelle tentative bien orchestrée pour ternir sa réputation. Pire encore, au moment où il s’en plaint dans la lettre qu’il écrit au procureur Bourlet, la Chambre des mises en accusations de Bruxelles l’a déjà blanchi, mais Connerotte lui même n’a pas encore été mis au courant du fait même qu’il y avait eu une instruction contre lui ! L’arrêt de Bruxelles, le 25 septembre 2000, déclare qu’il n’y a rien à reprocher à Monsieur Connerotte et que les perquisitions effectuées auprès de la police de Charleroi avaient été faites de manière parfaitement légale, dans le cadre de l’opération Zoulou. Mais cela, les médias ne le rapportent pas.
Connerotte comme cible

Langlois : « A la fin de votre lettre vous écrivez que certaines personnes n’ont jamais été punies alors que l’on aurait pu leur reprocher de n’avoir fait aucun effort pour libérer les enfants enlevés. De qui voulez-vous parler ? »

Connerotte : « Ce n’est pas à moi de citer des noms. Je ne répondrai à cette question que si l’instruction met elle-même ces personnes en cause. Ce qui me choque surtout, c’est la façon inégale avec laquelle les enquêteurs sont traités. Certains d’entre eux, ont constamment été harcelés, alors qu’ils effectuaient du très bon travail dans des dossiers sensibles. Ce sont précisément ces gens-là qui ont été la cible de terribles attaques dans les médias et qui ont été accusés de faits très graves qui n’ont jamais été prouvés ». (Connerotte veut notamment parler des agents de la BSR, Patriek De Baets et du maréchal des logis chef Aimé Bille chargé de l’enquête X1. Ces deux personnes ont, entre-temps, été blanchies, ndlr). « De l’autre côté, il y avait d’autres enquêteurs qui, selon moi, ont joué un rôle ‘surprenant’– et je pèse mes mots – durant l’enquête menée par la juge d’instruction Martine Doutrèwe, en 1995. Ces personnes n’ont, à ma connaissance, jamais été inquiétées ». (Connerotte fait allusion à l’enquête sur la disparition de Julie et Mélissa, à propos de laquelle la commission d’enquête Dutroux a décelé les nombreux manquements. La plupart des policiers et magistrats, pour lesquels la commission demandait des sanctions ont, au contraire, par la suite, bénéficié de promotions, ndlr).

Mais il y a également un point sur lequel Langlois ne pose pas de question. Connerotte signale dans sa lettre que début 1998, « on lui a fortement déconseillé de demander une prolongation de son mandat de juge d’instruction » qui arrivait à terme. Connerotte n’a pas tenu compte de cette recommandation, il a reçu une prolongation.

Connerotte : « Je peux fort bien m’imaginer que certaines personnes et certains milieux influents n’étaient pas heureux de cet état de choses. Je suis conscient qu’aussi longtemps que j’exerce mon boulot de juge d’instruction, je constitue ‘une cible’ ».

A couteaux tirés

Cette audition de Connerotte à laquelle le soumet son collègue Langlois, aura montré au lecteur attentif que ‘tout ne baigne pas’ entre les deux juges d’instruction de Neufchâteau. De même que Langlois et le procureur Bourlet ne s’entendent pas mieux, c’est aussi à couteaux tirés entre eux. La guerre, à Neufchâteau, entre enquêteurs qui croient aux réseaux et enquêteurs qui n’y croient pas, est souvent considérée comme la cause du chaos de l’enquête Dutroux. Rarement un juge d’instruction et un procureur se sont autant haïs aussi sincèrement et ouvertement. Ce duel public a, par exemple, eu pour conséquence que Michel Nihoul a pu apparaître tantôt comme un ange, tantôt comme le diable en personne.

Il est vrai que Nihoul lui-même a donné un fieffé coup de main à ce revirement d’opinion à son égard. Durant les six dernières années, il a répandu à son propre sujet des informations les plus contradictoires qui soient. Le mois dernier, il a étonné tout son monde à Neufchâteau, aussi bien partisans qu’ennemis, en déclarant allègrement qu’en fait, pendant tout ce temps, il avait fréquenté Marc Dutroux en tant qu’informateur de la gendarmerie « ayant pour mission de démanteler le réseau de prostitution de Dutroux et Lelièvre ».

Nihoul est encore allé plus loin : « J’ose même affirmer que si Dutroux et Lelièvre n’avaient pas été arrêtés en août 1996, ils n’auraient plus pu continuer longtemps, et ce grâce à moi ». Même ses propres avocats n’ont pas manqué d’être étonné en l’entendant en Chambre du conseil à Neufchâteau. Pendant six ans, Nihoul avait soutenu que, dans les jours qui ont précédé l’arrestation de Dutroux, il lui était très souvent arrivé de téléphoner (à Dutroux), mais que c’était seulement à propos de sa voiture qui était en panne et que Dutroux était en train de réparer. Pendant six ans, Nihoul a également nié avoir récellé chez lui 5000 pillules d’XTC et avoir donné, le lendemain de l’enlèvement de Laetitia Delhez, un millier de ces pillules à Michel Lelièvre. Et voilà que subitement, il annonce froidement qu’il possédait ces pillules d’XTC au su de la gendarmerie, et que le 10 août 1996, il en a donné 1000 à Michel Lelièvre, dans le but de démanteler le réseau de trafic de drogue de celui-ci.

« Probablement que Nihoul s’est senti subitement dans ses petits souliers », c’est en tout cas l’avis d’une des parties civiles après coup. « Le procureur Bourlet avait avancé un si grand nombre d’arguments contre lui dans son réquisitoire, que plus personne ne pouvait continuer à croire aux affabulations de Nihoul ».

Maintenant, si la nouvelle version de Nihoul correspond vraiment à la vérité, c’est une autre question. Son runner (l’enquêteur responsable d’un indic, ndlr) à la BSR de Dinant, Gérard Vanesse, est entre-temps malheureusement décédé et ne peut par conséquent plus confirmer ou infirmer. Les parties civiles ont demandé à ce que les membres de la BSR de Bruxelles qui avaient travaillé avec Nihoul soient interrogés. Quant à savoir si cela va se faire, c’est le président de la Chambre du conseil, Francis Moinet, qui en décidera le 17 janvier.


Maîtresse de Nihoul

Entre-temps, le procureur Bourlet a encore relevé un élément intéressant. Il a regardé de plus près, une fois encore, qui Nihoul avait appellé par téléphone, les journées entourant l’arrestation de Dutroux. Très souvent, il a appelé Dutroux et sa femme Michelle Martin, mais ça, nous le savions déjà. Le procureur est cependant également tombé sur un autre numéro de téléphone que Nihoul a appelé à plusieurs reprises durant ces jours cruciaux.
C’est le numéro d’une bruxelloise, N.M., qui a déjà été interrogée en août 1996. Elle raconte que, pendant 3 mois, de décembre 1995 à mars 1996, elle a été la maîtresse de Nihoul, mais qu’elle avait mis un terme à cette relation parce qu’elle trouvait qu’il buvait trop de bière et parce qu’elle n’était pas d’accord avec sa façon de vivre. Après cela, pendant tout un temps, ils ne se sont plus rencontrés. Jusqu’au 13 août 1996.

N.M. : « Michel Nihoul m’a appelée tard dans la soirée du 13 août. Il voulait encore me voir ce soir-là, mais j’ai refusé. Après quoi, il m’a fixé rendez-vous pour le 15 août ».

Nihoul a donné ce coup de fil à 22h44 : à ce moment-là, à Charleroi, Marc Dutroux, Michèle Martin et Michel Lelièvre sont interrogés par la police. Ils ont été arrêtés, dans le plus grand secret, quelques heures auparavant, et les médias tiendront encore ses arrestations secrètes pendant 3 jours, à la demande du procureur Bourlet. Le lendemain, 14 août, N.M. reçoit à nouveau un coup de fil de Nihoul.

N.M. : « Il a confirmé notre rendez-vous pour le lendemain. Mais le 15 août, il m’a appelée le soir pour annuler le rendez-vous ».

Nihoul a téléphoné à 19h10. La police judiciaire est, à ce moment, à sa recherche depuis quelques heures. Il avait dit par téléphone aux enquêteurs qu’il était à la mer, ou bien à l’étranger ou encore dans les Ardennes… En fait, Nihoul téléphone de son bureau bruxellois. Le coup de fil qu’il donne à sa maîtresse est le dernier avant son arrestation; au moment où il téléphone, quelques journalistes seulement en Belgique et le Parquet général de Neufchâteau sont au courant de l’arrestation de Marc Dutroux.

N.M. : « Nihoul a dit qu’il ne pouvait pas venir au rendez-vous, qu'il devait aller à Charleroi pour y libérer l’un de ses amis qui avait été arrêté. Il m’a demandé si je voulais l’accompagner, ce que j’ai naturellement refusé ».
Peut-être que ce jour-là, à Charleroi, plus d’un homme aura été arrêté. Mais, parmi les personnes que Nihoul avait appelées durant les derniers jours, deux seulement ont été arrêtées : Michèle Martin et Marc Dutroux.

 

SOURCE

 

Reportage sur Patrieck de Baets et Aimé Bille: gendarmes chargés des écoutes des témoins X

émission "Faits Divers"

http://mega-streaming.info/video/9SNDX9MXUHUW/Gendarmes-De-Baets-et-Bille-affaire-Dutroux

 

Interview de l'adjudant Patriek de Baets : LE SABOTAGE DE L'ENQUÊTE



http://www.megaupload.com/?d=9RVV8FDL


 



Voici l'homme qui a été dépêché dans l'enquête de Neufchâteau sur Dutroux, pour défendre l'honneur de la gendarmerie dans un moment particulièrement peu glorieux pour celle-ci. La gendarmerie qui n'avait pas trouvé Julie et Mélissa, malgré que l'opération secrète Othello ait mené ses hommes jusqu'à la cache même des enfants. Patrick Debaets était le fleuron de la BSR; c'est l'adjudant que ses supérieurs désignaient lorsque les magistrats bruxellois devaient aborder des dossiers difficiles et parfois même dangereux : l'affaire Kirschen, le parrain criminel Carmelo Bongiorno, le Baron de Bonvoisin, la maffia italienne, la maffia russe .

Mais lorsqu'en septembre 1996, Patrick De Baets fut désigné pour interroger X1, il devint lui-même dangereux aux yeux de certains magistrats bruxellois et de ses propres patrons. Car les témoins dénommés X lui avaient raconté que Marc Dutroux ne jouait qu'un rôle subalterne dans l'affaire Dutroux et que JeanMichel Nihoul avec ses nombreuses connections bruxelloises et liégeoises en était le protagoniste principal. Nihoul : le noctambule, l'informateur de la police, le noceur, le partouzeur, avec qui on partageait la table, l'ami de certains partis, l'ami intime de certains magistrats bruxellois, officiers de police et hommes politiques.

Dans le courant de l'été 1997, une manoeuvre conjuguée de la hiérarchie de la gendarmerie, de la magistrature, de la presse et du monde politique était destinée à démolir De Baets et son enquête. Tout ce qui avait eu trait aux X fut démoli par des chroniqueurs judiciaires alimentés par des policiers et des magistrats aux desseins malhonnêtes.

De Baets fut éliminé de l'enquête et même limogé de la BSR. Il devint, avec quelques autres collègues, la proie de toutes sortes d'enquêtes internes et judiciaires, car il fallait absolument trouver une raison pour le mettre à l'écart.
Toute sa vie et toutes ses enquêtes firent l'objet d'enquêtes approfondies. A un moment donné, on enquêta même sur son père décédé - suite à une manoeuvre de Benoît de Bonvoisin pour discréditer De Baets - et on enquêta sur le rôle de De Baets dans des faits qui avaient eu lieu avant sa naissance. Ceci montre que la magistrature travaille de façon très approfondie lorsqu'elle le veut.

Mais ce travail méticuleux n'a rien donné. Aujourd'hui, plus de deux ans après, on constate qu'il va falloir blanchir De Baets de tout blâme. Sans doute peut-on le faire, maintenant que les enquêtes sur les X sont définitivement stoppées.

Les événements n'ont pas été bénéfiques à la santé de De Baets, mais ils ne lui ont pas ôté le courage de combattre. Avec quelques collègues gendarmes et un avocat, il a constitué un dossier de plusieurs milliers de pages contre ceux qui l'ont "assassiné". Il va maintenant utiliser la justice contre la justice qui a voulu le démolir. Patrick De Baets estime qu'après des années de difficultés, il peut et doit parler. Humo rapporte ici son récit. C'est le plus grand réquisitoire contre la justice belge depuis des années.

Patrick De Baets: Avec mes hommes de la 3ème SRC (Section de Recherche Criminelles), en quelque sorte la section fraude de la BSR spécialisée dans les recherches financières, nous avons été dépêchés dans l'enquête Dutroux sur demande du Bureau Central de recherches. Nous devions étudier l'aspect financier de l'affaire : les avoirs et les comptes en banque de Marc Dutroux.
Mais rapidement nous avons senti que certains essayaient de freiner l'affaire et de nous mettre des bâtons dans les roues.

Humo: Qui étaient ces premiers saboteurs ?

Patrick De Baets: Mon propre patron, le LieutenantColonel JeanMarie Brabant, commandant de la BSR de Bruxelles. Dès le premier jour, il commença à mentir aux magistrats. Le 12 août 1996, on procéda à l'arrestation de Dutroux, le 16 août à celle de Nihoul ; le même jour le Parquet de Neufchâteau, qui dirigeait l'enquête Dutroux, fit demander aux divers services de police si on connaissait Nihoul. Brabant répondit que Nihoul n'était pas connu à la BSR de Bruxelles.

C'était culotté, extrêmement culotté, car ce n'était pas vrai. Nous avions déjà
attrapé Nihoul quelques fois : dans le dossier d'escroquerie SOS Sahel et dans le dossier de la faillite frauduleuse du bureau d'affaires Annie Bouty et Associés, la firme de l'avocate rayée du Barreau, ex amie de Nihoul. Brabant a une bonne mémoire, c'est dire qu'il était au courant. Il devait d'autant mieux le savoir qu'il était à ce moment là Commandant remplaçant de la BSR.

Humo: Pourquoi Brabant a-t-il nié que lui ou les hommes de la BSR de
Bruxelles connaissaient Nihoul ?


De Baets: Parce que Nihoul était un informateur de la BSR. Et pas n'importe quel informateur, puisqu'il était un informateur non-codé qui avait été amené par un gendarme de Dinant, décédé depuis lors, Gérard Vanesse. Deux gendarmes de la section finances de la BSR de Bruxelles entretenaient des contacts avec Nihoul : Eddy Verhaeghen et Bernard Meurant. Ils l'utilisaient comme informateur potentiel dans un trafic de cartes téléphoniques et de téléphones portatifs.

Nihoul avait aussi été informateur dans l'affaire Walsh, qui fut éclaircie par la section drogues de la BSR de Bruxelles. Il s'agissait d'un trafic de dix kilos d'amphétamines dans lequel un certain Walsh, Anglais de passage à Bruxelles, était impliqué. Les amphétamines avaient été saisies, mais plus tard il apparut que Walsh avait aussi en sa possession cinq mille pilules d'extasy. Ces pilules n'ont "officiellement" jamais été retrouvées. Mais elles auraient été cachées dans un pneu chez Annie Bouty, et elle apparurent plus tard chez Michel Lelièvre, le complice de Dutroux. Ces pilules ont-elles d'abord servi à la gendarmerie pour payer les bons services de l'informateur Nihoul dans cette affaire ? Et les enlèvements d'enfants - certains enlèvements du moins - n'ont-ils pas été payés ensuite avec ces pilules d'extasy ?

Humo: Votre enquête concernant les finances de Dutroux est-elle terminée ?

De Baets: En partie. Mais je ne sais pas ce qu'il en est finalement advenu. Nous avons rapidement constaté qu'après un enlèvement, de l'argent arrivait souvent chez Dutroux. L'homme ne pouvait jamais nous donner d'explication sérieuse quant à sa provenance. Mais trouver des preuves établissant des liens directs entre les enlèvements et les payements était une autre paire de manches.
Dutroux, en outre, jouait avec son argent et avec ses comptes. Il investissait souvent chez l'agent de change Riga à Charleroi. Un membre connu de cette famille, Pierre Riga, a tué par balle un jeune homme parce que celui-ci se promenait avec quelques amis sur sa propriété. Cela s'est passé il y a quelques mois dans le Brabant Wallon. Il a été relâché aussitôt.

Humo: En dehors de Brabant, y avait-il encore d'autres gendarmes qui avaient eu à faire à Nihoul et Bouty ?

De Baets: Absolument. Le Commandant de District bruxellois Guido Torrez. Mais je ne l'ai appris que plus tard, parce que le Président de la Commission Marc Verwilghen l'a révélé. Torrez est intervenu dans le temps en faveur du criminel portugais, Juan Borges, impliqué dans le trafic d'armes, de drogue et le vol d'oeuvres d'art, qui était client de Michel Nihoul et d'Annie Bouty. La brigade de gendarmerie de Schaerbeek avait commencé à enquêter sur ses activités. Bouty et Nihoul en ont eu vent et se sont mêlés de l'affaire.
Soudainement, Torrès a paralysé le dossier pendant plus d'un mois.

Humo: C'est dire que les relations entre Michel Nihoul et la Gendarmerie de Bruxelles étaient malsaines. Ne voulait-on pas, à Bruxelles, que cette affaire soit étouffée ?

De Baets: Certainement car Eddy Suys, chef de la Police Judiciaire (PJ),
initialement chef de la cellulle Obélix, en voulant examiner de plus près le
personnage de Nihoul, avait appris que Nihoul avait des contacts avec les agents bruxellois Verhaeghen et Meurant et téléphonait régulièrement à la BSR de Bruxelles. Le Lieutenant-Colonel Brabant voulait empêcher que cela se sache. Il avait peur que l'on mette ses agents en cause.

Brabant me considérait comme un danger. Je ne suis pas le genre d'homme qui est paralysé lorsqu'un collègue policier veut effectuer une perquisition à la BSR. Je ne suis pas tellement protectionniste. Je trouve que chacun doit prendre ses responsabilités. Et moi, je n'avais rien à voir avec Nihoul.

Brabant fit croire au Procureur Bourlet qu'à Bruxelles nous avions beaucoup d'autres tâches qui nous attendaient. C'était stupide, il n'y avait pas d'autres dossiers aussi importants que celui de l'affaire Dutroux. Mais ces mensonges avaient aussi été distillés aux copains journalistes de "La Dernière Heure" et du "Soir Illustré" qui les utilisèrent lors de leurs premières attaques contre Neufchâteau et contre l'enquête sur Dutroux et Nihoul en racontant : "C'est honteux Bourlet reçoit 350 enquêteurs, et les dossiers concernant les fraudes de milliards de francs de KB-Lux sont laissés en friche !"

Ce fut surtout le Juge d'Instruction Jean-Claude Van Espen qui s'allia
immédiatement avec Brabant. Ses dossiers financiers ne progressaient soi disant plus parce que tous les enquêteurs travaillaient pour Neufchâteau. Mensonge ! A ce moment-là, aucun des enquêteurs de la KB-Lux n'avait été envoyé à Neufchâteau. Et ma section, la 3ème SRC, ne travaillait pas non plus à une affaire urgente. Je me demande d'ailleurs toujours à quels dossiers urgents Van Espen faisait allusion. C'est comme s'il avait la prémonition que nous allions toucher à des dossiers auxquels il avait travaillé auparavant.

Van Espen savait parfaitement qui était Annie Bouty. Il avait été son avocat. Et son ex beau-frère, l'avocat Philippe Deleuze, avait été l'un des partenaires dans le cabinet d'avocats de Bouty. Van Espen faisait partie du réseau d'amis que Nihoul et Bouty avaient tissé dans le milieu de la politique, de la magistrature et de la police afin de camoufler leurs activités criminelles.

Humo: Le genre de choses qu'un Juge d'instruction préfère ne pas voir apparaître dans les journaux.

De Baets: En effet. Van Espen fut très vite mis au courant que nous étions
intéressés par les X et que nous nous intéressions particulièrement au dossier de "la Champignonnière" concernant la mort atroce de Christine van Hees, quiavait eu lieu en 1984 dans une champignonnière désaffectée de Bruxelles.Pendant douze ans, Van Espen avait été Juge d'Instruction dans cette affaire, et il n'y avait pas fait grand chose.

Fin octobre, début novembre 1996, Van Espen avait appris que nous nous
penchions à nouveau sur son affaire criminelle non élucidée. Ce fut après que le Magistrat National de l'époque, Patrick Duynslagher, - et non moi même ou la 3ème SRC - eût rapproché certaines déclarations de X1 avec cette affaire. Van Espen connaissait d'emblée les noms que Regina Louf désignait comme celui des coupables : Michel Nihoul et Annie Bouty.

Lorsque ces deux personnages apparurent, il est évident que Van Espen, pour des raisons déontologiques, aurait dû se retirer de l'affaire. Allons donc, sa propre soeur était la marraine de Jean-Michel junior, fils de Nihoul et de Bouty !
Nonobstant, Van Espen se laissa renommer juge d'instruction lors de la
réouverture officielle du dossier de la "Champignonnière". Auparavant, il avait déjà eu des contacts avec ces mêmes individus lorsqu'il avait supervisé la faillite de la firme Annie Bouty et Associés. Van Espen avait aussi à l'origine été juge d'instruction dans l'affaire SOS Sahel. Mais il s'était tout de même laissé décharger en faveur du Procureur actuel de Bruxelles Benoît Dejemeppe, qui était encore Juge d'Instruction à l'époque. Van Espen, Nihoul, Bouty, cela ressemble presque à une affaire de famille, n'est-ce-pas ?

Humo: A vous entendre, Nihoul connaissait la moitié du Palais de Justice de Bruxelles.

De Baets: C'est la raison pour laquelle je me suis posé des questions lorsque j'ai été éjecté de l'enquête de Neufchâteau, parce qu'une des raisons de ce licenciement était une lettre remplie de remarques inconsistantes que Van Espen avait envoyées à la hiérarchie de la Gendarmerie.

Humo: Comment êtes-vous entré en contact avec les X ?

De Baets: Très rapidement. Deux mois avant que n'éclate l'affaire Dutroux, en juin-juillet 96, une certaine Nathalie W. s'était présentée à la BSR de Bruxelles et avait fait des récits au sujet de réseaux et de viols d'enfants organisés. Le 5 septembre 1996, une certaine Tania Van Acker de Gand téléphonait : une de ses amies voulait faire des déclarations au sujet de réseaux. C'était Regina Louf, X1.

Humo: Qui reçut cette communication téléphonique ?

De Baets: Le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte de Neufchâteau. Je me trouvais par hasard dans son bureau et lorsque Van Acker commença à expliquer où elle habitait, Connerotte me demanda : " Vous n'êtes pas de la région de Gand, par hasard?" Je répondis "Oui" et Connerotte me passa Tania Van Acker au téléphone. Je notai sa déclaration et la passai à Connerotte. A première vue, le récit ne semblait avoir à faire avec Nihoul. Ce qui concernait Nihoul allait automatiquement à la Cellule Obélix de Eddy Suys. Cela n'est pas pour nous, dis-je encore à Connerotte.

Humo: On vous a reproché par la suite d'avoir sauté sur ces X et que d'une certaine façon, vous aviez arraché l'appareil des mains de Connerotte. Ou même, que vous n'étiez pas là par hasard ; que vous aviez organisé d'avance ce coup de fil destiné à Connerotte avec Tania Van Acker et Regina Louf.

De Baets: Cela n'est pas exact. C'était le jour de mon anniversaire : le 7
septembre 1996. La nuit précédente, Bouty avait été arrêtée et elle avait fait une série de déclarations. J'étais moi-même arrivé à Neufchâteau avec un procès- verbal de Georges Marnette de la Police Judiciaire (PJ) de Bruxelles, où celui-ci constatait qu'un homme apparaissant de façon plus ou moins visible sur les cassettes vidéo de Jean-Paul Raemaeckers, aurait pu être Dutroux. L'homme avait une moustache, des cheveux foncés et avait nettement plus de vingt ans; nous savions aussi que les cassettes avaient au moins vingt ans. Il était donc impossible que ce soit Dutroux.

Certains de mes hommes connaissaient Raemaeckers, ils avaient travaillé dans cette affaire. L'homme avait été condamné à la réclusion perpétuelle pour faits de pédophilie. Mes hommes avaient eu un contact passablement bon avec Raemaeckers, et sur base de ses déclarations, ils avaient ouvert deux ou trois dossiers contre inconnu au Parquet de Bruxelles.

Dans son PV, Marnette écrivait que Raemaeckers était un pédophile qui avait travaillé dans un réseau de pourvoyeurs d'enfants, mais que la BSR avait peu travaillé ce sujet. C'était un mensonge écoeurant. Il y avait depuis un an et demi des dossiers sur Raemaeckers chez "la magistrate de confiance", Paule Somers.
Mais nul à Bruxelles, et certainement pas Paule Somers, n'y avait touché.

La raison pour laquelle je m'étais rendu à Neufchâteau était que je voulais parler avec Connerotte au sujet de ce PV de Marnette et lui dire que des gendarmes avaient bien ouvert des dossiers. Je lui apportais même les numéros des notes des affaires dont ils n'avaient rien fait à Bruxelles. C'est pour cette raison que ces dossiers ont été déménagés à Neufchâteau.

A ce moment-là, je ne pensais pas: "Tiens, pourquoi Somers n'a-t-elle rien fait pendant tant de temps dans ces dossiers ?" Je pensais : "Mon Dieu, tout le monde a tellement de travail." La seule chose que je prévoyais, était que Georges Marnette, dont je connaissais depuis longtemps la réputation, allait de nouveau jouer un sale jeu.


Humo: Marnette faisait-il cela en étroite collaboration avec de hauts magistrats
de Bruxelles ?


De Baets: J'ai tout compris après le 15 novembre 96, lorsqu'on décida des fameuses perquisitions dans le "dossier secret" au sujet du Ministre et ex-Premier Ministre de l'époque, Elio di Rupo. C'est alors que tombèrent les masques de Marnette, de son bras droit à la PJ Grégory Antipine, de la "magistrate de confiance" Paule Somers, et du Procureur du Roi Benoît Dejemeppe

Humo: L'affaire Di Rupo était-elle coup fourré, une machination de Marnette et Cie afin de dévier l'attention du noeud du problème : l'enquête sur les réseaux de Nihoul et Dutroux ?

De Baets: Comment avons-nous atterri dans cette affaire ? Le vendredi 15 novembre je reçu un coup de téléphone de la Juge d'Instruction bruxelloise Anne Gruwez. Elle me dit : "J'ai à traiter une affaire délicate. Deux perquisitions devraient avoir lieu, parce que demain, dans la presse, des articles vont paraître concernant des actes de pédophilie de personnages très importants".

Gruwez était désignée dans le dossier par la substitute Paule Somers - encore elle. Et Somers était elle-même désignée sur l'affaire par le procureur-général Bruxellois André Van Oudenhove, qui avait le fameux "dossier secret" Di Rupo.
Les perquisitions devaient avoir lieu chez deux homos bruxellois qui étaient soupçonnés d'avoir des relations sexuelles avec des mineurs d'âge et possédaient des vidéos de pédophilie. Les perquisitions avaient déjà été ordonnées depuis un mois et demi. Etrange : pendant un mois et demi, le parquet ne fait rien dans cette affaire, et brusquement cela ne pouvait pas aller assez vite.

J'ai dit au juge d'instruction Gruwez : "Je suis désolé, mais je suis officiellement en vacances." "Alors, il va falloir que j'appelle votre chef, le lieutenant-colonel Brabant" a répondu Gruwez. Par après, Brabant m'a obligé à venir à Bruxelles pour cette affaire.

Bien. Alors que j'étais en route, je téléphone à mon équipe : j'envoie déjà deux hommes en éclaireurs chez Gruwez pour aller chercher les mandats de perquisition, Philippe Hupez et Patrick Charles. Hupez jette un coup d'oeil au dossier de Gruwez - mon dieu, il contenait un malheureux PV d'une vingtaine de lignes - et dit : "Ceci n'est pas une affaire pour nous. Les perquisitions ont été demandées par la PJ de Bruxelles, la PJ n'a qu'à y procéder." Anne Gruwez répond : "En fait, vous avez raison, mais Madame Somers a dit qu'il valait mieux donner ordre à la BSR." Elle était pressée par le temps : il était déjà six heures, et après neuf heures on ne peut plus opérer de perquisition. Elle fourra les deux mandats dans les mains de Hupez, et celle-ci n'avait qu'à se débrouiller.

Quand je suis arrivé vers six heures et demie au bureau, il y avait là aussi un PV du major Daniel De Craene, du BCR. Il y était mentionné qu'il était en possession de documents indiquant qu'on allait parler de certains politiciens le lendemain dans la presse, plus particulièrement dans l'édition du samedi de "Het Nieuwsblad". Je vais avoir l'air bête, mais je ne faisais toujours pas le lien avec les perquisitions que nous devions opérer chez deux homosexuels totalement inconnus.

Nous avons finalement saisi 120 vidéos à caractère sexuel chez ces gars. Nous devions naturellement toutes les visionner pour voir s'il ne s'y trouvait pas des enfants ou des personnes manifestement très jeunes. Nous n'avons rien découvert de punissable. Au cours de leurs auditions, ces messieurs ont en effet déclaré qu'ils avaient bien rencontré JeanPierre Grafé et Elio Di Rupo dans le milieu homo bruxellois. Oui, et alors ? Ce n'est pas interdit, non ? Pour moi l'affaire était terminée. Jusqu'à ce que nous allumions la radio le lendemain à cinq heures. Crac : "D'après le journal "Het Nieuwsblad", une enquête serait en cours au sujet des ministres Grafé et Di Rupo, qui auraient eu des relations avec des mineurs."

Tout de suite après cela, on a voulu faire croire, via des manipulations de la presse, que nos perquisitions avaient eu lieu dans le cadre du dossier Di Rupo, et que c'est moi qui avais fait le lien avec Di Rupo. Alors que cela n'avait strictement rien à voir. Et c'est aussi très facile à démontrer : notre dossier, numéro 218/98 du juge d'instruction Gruwez, n'est jamais allé à la Cour de Cassation quand cette Cour, à la demande du parlement, a pris cette enquête en main. Les noms de Di Rupo et de Grafé apparaissent dans notre dossier parce qu'ils ont été cités par les deux gars, c'est tout.

*De Baets était clairement tombé dans un piège, tendu par les PJistes Marnette et Antipine. Le "dossier secret" contre Di Rupo était aussi monté par Marnette et Antipine ; ils avaient rassemblé des ragots et des déclarations obtenues sous pression dans le milieu gay bruxellois et les avaient gonflés en affaire de pédophilie. Pour Marnette, Di Rupo était le levier idéal pour faire dérailler l'enquête de Neufchâteau : un gay socialiste d'origine italienne, avec de jeunes amants, on ne pouvait trouver mieux. Des parties du "dossier secret" ont "fui" vers "Het Nieuwsblad." Après cela, il suffisait d'impliquer De Baets et son équipe dans cette affaire et de leur en faire porter la culpabilité. On accusa ces
deux homos inconnus de comportement pédophile, et on les rattacha vaguement à l'affaire Di Rupo. Antipine demanda ensuite d'organiser des perquisitions chez ces gays, et quand elles eurent lieu il refusa d'y participer.

Humo: Antipine voulait que vous fassiez ces perquisitions, de manière à ce que par après on ait l'impression que c'est vous qui courriez après Di Rupo. Avez- vous su immédiatement que c'était un traquenard ?

De Baets: Non, pas tout de suite, mais j'avais la puce à l'oreille, surtout quand les manigances de Marnette au sujet d'Olivier Trugsnach sont apparues en plein jour.

Humo: C'est le deuxième volet de l'affaire Di Rupo. Marnette connaissait
Trusgnach. Son nom était apparu dans les renseignements qu'Antipine avait rassemblés dans le milieu homo bruxellois.


De Baets: En effet. L'affaire Trusgnach était aussi une machination de Marnette. Qui était Olivier Trusgnach ? Un demi-fou, d'accord, mais aussi l'ex-petit ami du chef coq Roger Souverijns, le chef et propriétaire de l'hôtel-restaurant limbourgeois Scholteshof. Trusgnach y avait volé, dans le courant de 1996, l'une et l'autre chose et s'était ensuite enfui vers Londres. Souverijns a déposé plainte à ce sujet auprès de Christian De Vroom, à l'époque commissaire général de la PJ.

Humo: Qui allait régulièrement manger au Scholteshof aux frais du lobbyiste Koen Blijweert.

De Baets: Et que fit De Vroom pour faire plaisir aux amis de ses amis ? Il mit sa 23ème brigade, le service chargé de lutter contre la grande criminalité, sur ce petit vol minable au fin fond du Limbourg. De Vroom a même ordonné des observations sur Trusgnach à Londres.

Trusgnach fut finalement arrêté à Hasselt. Comment ? Simple : parce que sa mère, qui avait appris qu'il était recherché, l'a conduit à la gendarmerie.
Marnette a immédiatement été informé de cette arrestation par un collègue de la PJ de Hasselt. Marnette savait par un informateur homo bruxellois que Trusgnach connaissait Di Rupo. Naturellement, dans ce milieu marginal tout le monde connaît tout le monde. Et quand des flics comme Marnette passent par là, ces garçons se défendent en sortant les noms de Grafé et Di Rupo. C'était aussi dans l'air du temps à l'époque: menacer par des soupçons de pédophilie, menacer de faire parler de quelqu'un dans la presse, peut être un mode de défense très efficace. Marnette n'avait toujours trouvé personne qui voulait accuser Di Rupo
de quelque chose de sérieux, Trusgnach représentait la solution à ce problème.

Et donc Marnette est parti à Hasselt avec son équipe, où ils ont encerclé le palais de justice local. Marnette pensait : il s'agit d'un simple vol, donc ils vont libérer Trusgnach rapidement, alors nous l'attraperons, nous l'auditionnerons, et nous lui ferons dire ce que nous voulons: que Di Rupo est un pédophile.

Voilà en quoi consistait le plan. Mais contre toute attente, la justice d'Hasselt incarcéra Trusgnach, après qu'il eût reconnu les vols au Scholteshof auprès de la
gendarmerie.

Par conséquent, Marnette et Antipine devaient se rendre en prison pour parler avec Trusgnach. Cela sembla marcher encore mieux : ils pouvaient ainsi lui promettre qu'il serait libéré s'il mettait Di Rupo en cause. Voilà. C'est alors que Trusgnach commença à confesser ses aventures avec Di Rupo, et après chaque visite de la PJ il diminuait son âge, jusqu'à ce qu'il soit suffisamment mineur au goût de Marnette et Co. C'est alors que la bombe explosa. Et ce fut une catastrophe épouvantable. Je pense que c'était le but.

Humo: S'agissait-il simplement du fait que Marnette voulait bousiller l'enquête de Neufchâteau pour servir ses amis noctambules bruxellois ou bien pensez- vous que cela cache autre chose ?

De Baets: A mon avis, il y avait un plan plus élevé. La population devait
recevoir le message : il existe une chasse aux sorcières dans ce pays ; l'enquête déraille ; ils ont perdu la tête à Neufchâteau. Arrêtons de courir après Nihoul. Le signal envoyé aux hommes politiques était encore plus important: "Vous êtes de nouveau les coupables ! Attraper des politiciens, casser des gens haut placés, voilà le hobby des types comme De Baets. Donc, resserrez vite les rangs." (Il rit). Des types comme De Baets ! Je ne savais même pas que Di Rupo était gay

Et pourquoi nous a-t-on mêlés à de cette stupide enquête sur Di Rupo ? Parce que nous étions occupés à la fameuse enquête des X. En nous ôtant, à mon équipe et moi, notre crédibilité par le biais de l'affaire Di Rupo, on voulait en réalité rendre les témoignages des X inoffensifs. On pouvait alors les démolir en les considérant comme des petites histoires qu'on ne peut faire croire qu'à un clown comme De Baets, vous vous souvenez, ce fanatique qui poursuivait Di Rupo.

Humo: Marnette a-t-il été aidé dans ses tentatives de déstabilisation par des membres du parquet de Bruxelles ?

De Baets: Certains magistrats n'étaient pas fâchés en tous cas, car de cette manière Marnette prenait le monde politique en otages. Prenons encore une fois le juge d'instruction Van Espen : il était dans ses petits souliers, parce que Nihoul l'avait désigné auprès de membres de la 23ème brigade comme quelqu'un qui était toujours prêt à les protéger, lui et ses amis, s'ils étaient menacés de problèmes judiciaires.

Van Espen n'avait pas pu mener l'affaire de la champignonnière à bonne fin. Oui, avec le parquet, il avait maintenu en préventive, pendant 36 mois, un punk innocent, avec comme conséquence que l'Etat belge fut encore une fois jugée par la Cour des Droits de l'Homme de Strasbourg et dut payer des millions de dommages et intérêts. Van Espen clôtura le dossier en 1996 par un non-lieu. Il le fit savoir par courrier aux parents de Christine Van Hees : "Je vous informe que le dossier de votre fille Claudine Van Hees est clos." Après treize ans d'enquête, la justice belge se trompait encore sur le nom de la victime !

Et brusquement, Regina Louf désignait des personnes qui ne connaissaient que trop bien le juge Van Espen. Cela pouvait le compromettre gravement. Donc, Van Espen avait lui aussi tout intérêt à ce que nous soyons discrédités dans le dossier Di Rupo.

Humo: Di Rupo et Grafé étaient-ils vraiment blancs comme neige ? Ils ont
quand même fort bien tiré parti de toute cette affaire. Di Rupo, un des grands parrains du Parti Socialiste, en sortit comme le pauvre bouc émissaire qui avait été harcelé par toutes sortes d'homophobes. Et Jean-Pierre Grafé, envers qui les soupçons étaient assez graves, fut blanchi du même coup. Et maintenant on ne peut strictement plus dire un mot au sujet de ces messieurs.


De Baets: Question difficile. Quand Connerotte, dans les derniers jours de son mandat, ouvrit sa fameuse ligne verte, on entendit en effet des déclarations embarrassantes au sujet de Di Rupo et Grafé. Mais cela ne suffisait pas. Il devaitencore s'agir de faits punissables, et il fallait respecter les procédures. Et dans cette affaire, on ne s'est aucunement préoccupé de cela.
Un exemple. Un témoin précis évoqua des faits qui avaient eu lieu dans un
appartement de Grafé. Il possédait un plan de l'appartement, mais il l'avait oublié à la maison. En fait, nous ne pouvions pas aller chercher ce plan, parce que cela constituait un devoir d'enquête au sujet d'un ministre dont l'immunité n'était pas levée. Mais quand mon collègue Aimé Bille soumit l'affaire au procureur Dejemeppe, celui-ci déclara : "Pas de problème, allez chercher ce plan, vous en avez le droit." Bille me téléphona immédiatement à ce sujet, et je lui dis "Ne le fais pas, tu ne peux prendre aucune information sur un ministre, tu as uniquement le droit d'acter ce qui se dit, et tu dois ensuite transmettre au
parquet. Et le parquet doit informer le parquet général."

Humo: Dejemeppe a-t-il aussi cherché à vous enfoncer ?

De Baets: Quand Bille a déclaré: "De Baets dit que je dois au moins recevoir un ordre écrit" - c'est ce que j'avais dit pour couvrir Bille - Dejemeppe a répondu :"Bien, allez chercher cet ordre chez Mme Somers." Paule Somers a alors rédigé cet ordre, et Bille est allé chercher le plan de l'appartement de Grafé à Namur. A mon avis, c'était un acte d'instruction illégal, ordonné par le numéro un du parquet de Bruxelles. C'est évident qu'ils ont voulu nous brûler.

Humo: Nous avons eu en main une note du 28 mars 1997, signé par le procureur Dejemeppe. Mission : poursuivre discrètement une enquête sur le vice-premier Di Rupo. C'est écrit en toutes lettres. Des mois après que la Cour de Cassation et le parlement aient blanchi Di Rupo, Dejemeppe a donc encore essayé de vous faire travailler sur Di Rupo, alors que comme procureur il ne pouvait pas vous l'imposer.

De Baets: J'ai évoqué cette affaire par la suite avec Dejemeppe. Il prétendait qu'il avait tout passé en revue avec le procureur général de Cassation Liekendael. Elle l'aurait autorisé à mener une telle enquête "discrètement". Liekendael venait de prendre sa pension. Je dis en riant à Dejemeppe "Oui, oui, mais Liekendael est retraitée, et ce n'est pas elle qui a signé le papier." Il tira une drôle de tête et l'entretien était clos.

Humo: Etiez-vous inquiet immédiatement après que l'affaire Di Rupo ait éclaté ?

De Baets: Au début, je ne voyais pas les liens, et je ne voulais pas me laisser tromper. Mais en fait, à partir de là les campagnes de diffamation n'ont plus arrêté. On à ouvert une enquête sur les fuites dans la presse. Le Comité Supérieur de Contrôle, qui existait encore à l'époque, entreprit une enquête sur un viol de secret professionnel contre inconnu. Le ministre de l'Intérieur chargea le Comité P., qui surveille les services de police, d'une enquête. Nous avions soi-disant travaillé dans l'affaire Di Rupo, donc nous devions aller témoigner partout. On courrait d'une réunion à une autre, il fallait éteindre des incendies partout, on avait l'impression que tout le monde nous observait, une partie de la presse était entrée en guerre contre nous... Nous avions de moins en moins de temps pour faire notre travail convenablement. Encore une fois : je pense que c'était cela, le but.

Humo: Conclusion: De Baets était occupé avec X1, et cela ne plaisait pas à
certaines personnes. Ils veillaient donc à ce que tout le monde ait peur de De Baets, à ce que De Baets soit dépeint comme celui qui n'aime rien mieux que de jeter des bombes sur les politiques et la magistrature.


De Baets: Ils ont voulu nous brûler. C'est, après coup, la seule explication
possible. Tous ceux qui étaient étroitement impliqués dans cette affaire savaient que je n'avais rien à y voir, mais personne n'a rien dit quand j'ai été injustement accusé. On voulait casser mon enquête. C'est tout.
(à suivre)




MARC DUTROUX ET MICHEL NIHOUL : LE SABOTAGE DE L'ENQUÊTE (II)
Interview de Patriek De Baets
par Danny Ilegems et Raf Sauviller



Dans Humo, la semaine dernière, l'adjudant de gendarmerie Patrick De Baets, l'homme qui dans l'affaire Dutroux mena des enquêtes sur les témoins X, racontait comment on avait rapidement tenté de le compromettre par le biais de machinations comme l'affaire Di Rupo. Pourquoi ? Parce qu'on voulait détruire ses enquêtes sur les X. Cette semaine, vous pourrez lire comment une coalition de bonzes de la gendarmerie et de magistrats bruxellois donnent un coup de poignard après l'autre, et comment de Baets, à un moment donné est même soupçonné de faits datant d'avant sa naissance.

Humo: Alors qu'on tentait de souiller votre nom avec, entre autres, l'affaire Di Rupo, les témoins X déclaraient des choses incroyables.

De Baets: Oui. Bien que Je n'en suis à nouveau pas tombé à la renverse. En tant que gendarme, j'avais déjà vu et entendu auparavant des choses qui défient l'imagination. J'ai travaillé sur les "Ballets roses", hein. J'y ai appris que ce que des personnes normales tiennent pour impossible, ce qu'ils considèrent comme impensable ou même inimaginable, existe et se produit bel et bien. Dans la fin des années 80, j'ai vu des photos du dossier judiciaire au sujet d'affaires de pédophilie retentissante autour du CRIES. Des photos de faits innommables, atroces, avec des enfants et même avec des bébés. En 1995, j'ai vu des photos que le pédophile Jean-Paul Ramaekers avait faites de lui-même. Répugnant ! Il frappait très violemment une enfant de six ans à coups de poings dans le visage, et pendant que le sang s'écoulait du nez et de la bouche de la victime, il la violait. Quand la scène fut terminée, il rebobina le film, le visionna et dit sans sourciller : "L'image n'est pas bonne, on recommence." Je n'oublierai jamais les pleurs et les hurlements de cet enfant.

Les X racontaient en effet des histoires terrifiantes. Au début, quand nous en parlions entre nous, certains magistrats disaient évidemment "Est-ce possible ? Est-ce bien vrai ?" Mais à Neufchâteau, on avait la bonne attitude à ce sujet. Ils se disaient "On verra bien, ce n'est pas à nous à dire d'emblée si une chose peut être vraie ou fausse, à croire ou non. Nous interrogeons, enquêtons et vérifions. Si nous pouvons démontrer 5 % de tout ce qu'affirment ces filles, ce sera déjà très fort. En fait, c'est le procureur Bourlet de Neufchâteau qui, le premier, mit la pression. En décembre 1996, il voulait déjà procéder à des interventions - perquisitions, interrogatoires, arrestations éventuelles sur base des déclarations des X. Nous avons empêché cela. Nous n'étions pas encore prêts, nous étions encore en plein dans les vérifications, le contrôle des dépositions.

Humo: Qu'ont apporté ces contrôles ?

De Baets: Assez bien d'éléments. Prenez Regina Louf, X1. Tout le monde a oublié que ses parents ont finalement reconnu qu'ils avaient donné leur fille en cadeau à l'homme que Regina appelait son souteneur : Tony V. Les parents ont admis que Tony V. avait une relation sexuelle avec leur fille, qu'il possédait une clef de la maison, qu'il allait et venait comme il le voulait, qu'il allait chercher Regina et la ramenait quand bon lui semblait. Et Tony V. a reconnu qu'il a, à son tour, prêté Regina.

Suite à son livre "Silence, on tue des enfants", les parents et le cousin de Regina ont déposé plainte contre elle. Entre temps, sa mère est décédée. Savez-vous que le père Louf vient de proposer à Regina de faire porter tous les torts sur sa mère décédée et de le blanchir lui totalement ? Je trouve cela tout à fait incroyable.

Humo: D'accord, mais cela signifie-t-il aussi que les histoires les plus hallucinantes de Regina Louf - les viols organisés d'enfants et les séances de meurtre répugnantes - sont vraies ?

De Baets: Pour moi, Regina Louf reste un témoin crédible. Les événements qu'elle a relatés ne s'inventent pas comme cela. Mais ils ne peuvent jamais " coller " jusque dans le moindre détail, parce que des gens comme Regina disposent pour seul instrument de leur mémoire. Et je ne parle pas des traumatismes, des mécanismes d'occultation et de l'angoisse qui y est imbriquée. Il s'agit d'aller jusqu'au bout dans une telle enquête. Pour ce faire, il faut des moyens et surtout beaucoup de temps. Il faut reconstruire la vérité morceau par morceau, à grande de peine et avec beaucoup de difficultés. Ensemble, avec le témoin. Cela ne se fait pas en gueulant déjà après un seul interrogatoire que c'est une cinglée. A cela s'ajoute que dans une enquête judiciaire, il ne faut pas seulement consigner l'histoire sur papier, il faut aussi l'étayer par des preuves. L'enquête sur les X était délicate, mais elle n'était quand même pas révolutionnaire, hein. Travailler avec un témoin X n'est pas - du point de vue de la technique d'enquête - fondamentalement différent du travail que l'on fait avec un informateur dans une affaire de drogues. On ne prend pas non plus au pied de la lettre tout ce que dit un informateur normal. L'information qu'il apporte doit être examinée et vérifiée jusqu'à ce qu'on puisse ou non apporter des preuves.

Humo: Vous avez travaillé pendant pratiquement 6 mois avec Regina Louf. Avez vous pu, au cours de cette période, contrôler suffisamment ses déclarations pour être encore persuadé qu'elle a dit la vérité ?

De Baets: Je dois d'abord vous expliquer quelque chose au sujet de la méthode d'enquête que nous avons utilisée. Nous avions deux équipes : l'une, à laquelle j'appartenais, qui entendait Regina, et une équipe dite d'enquête, qui vérifiait ses dire sur le terrain. Les deux équipes s'échangeaient des fiches de travail. L'équipe d'enquête faisait savoir, par exemple, qu'il lui fallait plus de détails sur l'un ou l'autre lieu dont Regina Louf avait parlé. Nous travaillions là-dessus lors de l'interrogatoire suivant.

Il y a des détails que Regina Louf n'a pu révéler que parce qu'elle dit est vrai, parce qu'elle y était. L'exemple le plus connu est celui de la mort de Christine Van Hees en 1984, à Bruxelles. Notre équipe d'enquête est allée avec le témoignage de Regina Louf chez le fils de l'ancien propriétaire de l'immeuble où les faits se sont passés. Ce monsieur est ingénieur civil. Depuis les événements, l'immeuble a été démoli. Vous devez savoir que la maison, ainsi que la cave où a été retrouvé le corps de Christine Van Hees n'ont jamais été décrites dans la procédure judiciaire, ni dans la presse de l'époque. Malgré cela, notre équipe d'enquête trouva neuf points de correspondance entre les déclarations de Regina Louf et la description des lieux faite par le fils de l'ex-propriétaire. Cet homme semble a dit clairement :"Tout est exact. Cette fille a dû venir ici." Détail piquant: cet homme attendait d'être entendu depuis treize ans. La justice n'avait jamais fait appel à lui. Je ne prétends pas que ceci constitue la preuve ultime et définitive que Regina Louf s'y trouvait au moment du meurtre de Christine Van Hees. Mais pour quelle raison y aurait-elle échoué autrement ? Regina était âgée de 14-15 ans. Comment serait-elle arrivée seule depuis Gand dans cette champignonnière abandonnée, et que serait-elle allée y faire ? Voilà des éléments qui m'ont amené à penser que Regina n'est pas une fabulatrice.

Humo: Comment se fait-il que d'autres, y compris des gendarmes de votre propre équipe, aient une toute autre opinion à ce sujet?

De Baets: Au début j'interrogeais Regina avec mon collègue Philippe Hupez. Cela se passait parfaitement, mais à un moment donné, Hupez choisit de retourner à ces dossiers financiers, afin que ceux-ci ne traînent pas. Danny De Pauw vint le remplacer. Je lui ai recommandé de potasser d'abord la littérature sur le sujet. Quand vous interrogez quelqu'un comme Regina, vous devez savoir comment aborder une victime de violence sexuelle, comment sont ces personnes et comment elles réagissent. De Pauw ne l'a pas fait, et il a totalement flippé à cause de ce qu'il entendait. Il a dit, dans un réflexe très humain : "Ceci n'est et ne peut pas être vrai".

Humo: Il s'agissait aussi de faits dont on peut s'imaginer qu'ils dépassent un simple gendarme.

De Baets: D'accord, mais De Pauw est universitaire. D'un homme comme lui, on s'attend à ce qu'il se mette à étudier quand il reçoit de la matière nouvelle, délicate à appréhender. On ne laisse pas commencer une enquête financière par quelqu'un qui ne sait pas ce que sont les paradis fiscaux et comment ils fonctionnent. J'ai dû tout apprendre, moi aussi. Mais De Pauw en disant d'emblée: "tout est bullshit", cédait à la facilité.

Humo: Ceux qui vous critiquent ont dit à peu près la même chose à votre sujet " De Baets est un spécialiste incontesté en enquêtes financières, mais dans le magasin de porcelaine de la délinquance sexuelle, il a agi comme un gros éléphant. "

De Baets: Dans notre profession, nous avons en réalité constamment à faire à des victimes.. Que ce soit les victimes d'un accident de la route, d'un vol, d'une attaque ou d'un abus sexuel, quand vous devez mener l'enquête, vous devez toujours tenter de vous mettre à la place de la victime. Et si vous voulez, à travers la victime, arriver aux auteurs, si vous voulez obtenir la plus grande collaboration possible de la victime, vous devez vous rendre sympathique aux yeux de cette victime. Il vous faut alors en premier lieu la reconnaître en prenant au sérieux ses déclarations. En littérature professionnelle cela s'appelle récompenser la volonté de collaboration en écoutant, de manière à ce que la victime se sente confortée. Une sérieuse dose d'empathie, une grande faculté à se mettre à la place de l'autre, de la compassion suffisent. C'est ce que j'ai fait.

Regina Louf n'a pas inventé la pédophilie et le crime d'enfants organisé. Marc Verwilghen l'a très bien dit quand il était encore président de la Commission Dutroux : " Dans le monde entier, dans tous les pays qui nous entourent, il existe des réseaux de violeurs d'enfants et de pédophiles. Et la Belgique serait le seul pays où cela n'existe pas ? " Mais ici, à un moment donné, on a fabriqué un climat de "C'est impossible ici."

Humo: Existe-t-il des déclarations de Regina Louf qui ont parues fausses ? Des choses qui pouvaient relever de l'affabulation ?

De Baets: Nous n'en sommes jamais arrivés à ce stade. L'enquête a été boycottée avant que nous ayons terminé le puzzle. Des gens qui se trouvaient tout à fait en dehors de l'enquête assistaient à des réunions, avec des membres du parquet et le juge d'instruction, et prenaient des décisions cruciales au sujet de l'enquête. Je parle ici surtout de mon supérieur hiérarchique direct, le commandant de gendarmerie JeanLuc Duterme. Il pensait "Ces bonnes femmes sont gaga".

Humo: Quand Duterme entre-t-il en scène ?

De Baets: Le 1er décembre 1996 il est désigné comme commandant de l'antenne Neufchâteau de la gendarmerie. Je dis toujours que la création de cette antenne a signé le déclin de l'enquête. Au début, de fin août à fin novembre 1996, nous étions simplement des membres de la BSR de Bruxelles qui travaillions pour Neufchâteau. Par la création de l'antenne, nous nous retrouvions dans une unité séparée, avec une hiérarchie propre, et nous étions détachés de notre environnement naturel. De ce fait, nous nous trouvions sous la loupe.

Le commandant de district Guido Torrez a désigné Duterme comme commandant de l'antenne. Jean-Luc Duterme avait ses racines à Nivelles, où, dans les années 80, il avait joué un rôle dans l'enquête sur la bande de Nivelles. Un rôle obscur, selon certains de mes collègues. Quand Duterme est devenu notre patron, les collègues se sont dit brusquement " Nom de dieu, Duterme. On va avoir des problèmes". Je ne me méfiais pas. J'ai dit "Mais non, ce type est tellement frustré par cette enquête ratée sur la Bande que cette fois nous allons mettre la gomme". J'étais celui qui défendait Duterme. Par après, j'ai naturellement dû reconnaître que j'avais été très na‹f.

Humo: Pour quelle raison Duterme entravait-il les enquêtes dont il était lui-même le chef ?

De Baets: Je pense qu'il a agi sur ordre de ses supérieurs hiérarchiques : Jean-Marie Brabant, commandant de la BSR de Bruxelles, et Guido Torrez, commandant du district de Bruxelles. Torrez avait une bonne raison de me mettre des bâtons dans les roues. Jadis, il était intervenu pour aider Annie Bouty, l'ex de Nihoul. Si cela se savait, si à ce moment-là on pouvait établir le lien entre lui et ce couple, il était brûlé pour le reste de sa carrière. Et Brabant ne voulait absolument pas que l'on sache que Nihoul était un informateur non-codé de sa BSR. Ces hommes devaient se protéger. Ils tiraient les ficelles, ils donnaient des instructions à Duterme.

Humo: Quand Duterme a-t-il commis son premier acte de sabotage ?

De Baets: Le 20 janvier 1997, il était chef de l'antenne depuis à peine six semaines, Duterme envoie un fax étrange au major Guissart, le gendarme qui dirigeait l'enquête à Neufchâteau. Il écrivait qu'il voulait poursuivre l'enquête sur les X seulement après avoir reçu la réponse à un certain nombre de questions. La première question était : "Les déclarations des X sont-elles crédibles ?" Sa propre réponse se trouvait déjà sous-entendue : "Il s'agit la plupart du temps de souvenirs de jeunesse retrouvés".

Il n'appartient pas à un flic de se poser ce genre de questions. Nous devons enquêter, nous ne devons pas interpréter. Et nous ne devons certainement pas juger. Même un juge d'instruction ne peut pas juger: il doit instruire à charge et à décharge, et transmettre les résultats au parquet, qui ensuite amène ou pas l'affaire devant le juge. C'est lui qui jugera finalement.

Une autre question que Duterme posait dans son fax était "La magistrature est-elle prête à assumer l'arrestation de dizaines de malfaiteurs potentiels, à poursuivre l'enquête jusqu'à leur jugement éventuel, et à détenir les suspects jusqu'à leur procès ?" Et encore "La gendarmerie, dans le cas d'une telle opération globale, est-elle capable d'apporter les renforts nécessaires et a-t-elle suffisamment de personnel qualifié pour interroger toutes ces personnes ?"

Plus tard, on a dit et écrit que De Baets était prêt à emmener du Parc de Bruxelles (où se trouvent le Parlement, le siège de la Générale de Banque et le Palais royal, ndlr) à Neufchâteau des autobus pleins de violeurs haut placés (ricane).

Humo: Duterme demande en fait " La gendarmerie est-elle capable de s'occuper de délits impliquant plus de trois à quatre personnes ? Où étaient le général Willy Deridder et le colonel Henri Berckmoes, les intellectuels progressistes de la gendarmerie ? Ceux-ci ont-ils entrepris quelque chose pour vous défendre ?

De Baets: Berckmoes a dit un jour à Duterme "Ne réglez pas vos comptes en vous servant de ces dossiers, s'il vous plaît, arrêtez vos conneries". Duterme a immédiatement écrit une lettre à la hiérarchie de la gendarmerie, mentionnant que comme chef d'une unité territoriale, il ne voulait pas recevoir d'ordres d'un supérieur purement administratif. A ma connaissance, Berckmoes n'a pas insisté. Mais il avait compris.

Humo: Mais l'incrédulité quant au témoignage des X, c'est quand même normal ?

De Baets: Naturellement, on peut ne pas croire. Mais il faut laisser travailler ses hommes, hein. J'ai, à l'époque, participé à l'enquête sur l'affaire Kirschen: argent noir et fraude massive dans le secteur diamantaire à Anvers. A un moment, nous buttions sur un compte caché sur lequel se trouvaient des dizaines de milliards. Qu'aurions-nous dû faire si tout le monde s'était écrié à ce moment-là: "Des dizaines de milliards, ce n'est pas possible ?" Arrêter ? On referme tout et retour à Bruxelles ? Le juge d'instruction était déjà revenu une fois d'Anvers en disant qu'il n'y avait rien chez Kirschen et Cñ. Kirschen était le plus grand sponsor du parti libéral, le PVV. Le dirigeant de Kirschen, Hilaire Beelen faisait partie du comité financier du parti, de même que le gourou Willy De Clercq. Il n'y avait pas de juge d'instruction plus bleu que Guy Bellemans. Donc il ne se passait rien. De même avec les obus de Freddy Vreven, jusqu'à ce qu'un juge d'instruction libéral, Bruno Bulthé, mène l'enquête.

Humo: Quand Duterme et ses fidèles ont-ils commencé à "relire" les déclarations des X ?

De Baets: Duterme dit qu'en février 1997 il a procédé lui-même à une première relecture du dossier. Il a ajouté des annotations en marge. On n'en croit pas ses yeux. Duterme est un francophone qui ne connaît pas le néerlandais, et les PV de Regina Louf sont tous rédigés en néerlandais. Regina Louf dit à un moment donné : " J'avais environ quatre ans ". (" Ik was een jaar of vier ", en flamand). Duterme souligne le mot "un" et ajoute: "Il est impossible que quelqu'un se souvienne d'événements qui se sont produits quand il avait un an." Voilà le niveau de la première relecture par Duterme.

Une deuxième lecture a eu lieu, par des enquêteurs dirigés par un collègue de la gendarmerie Baudoin Dernicourt. Mais cette équipe avait été désignée par Duterme lui-même. Ils travaillaient aussi sur base des annotations de Duterme et ils n'osaient naturellement pas contredire leur chef. Le résultat est tout aussi hilarant que celui de la première relecture. Le rapport du 2 juillet 1997 a été établi sur base de cette deuxième relecture. Ce fameux rapport a été transmis aux juges d'instruction JeanClaude Van Espen et Jacques Langlois. Il a fait l'objet de fuites, probablement du parquet de Bruxelles vers VTM, et de là vers le reste de la presse. (Les journalistes de VTM Faroek Ozgunes et Jeroen Wils reconnaîtront par la suite que "la magistrate de confiance" Paule Somers leur avait donné à voir "en toute confidence" ce rapport " confidentiel " ndlr). Sur la première page de ce rapport on trouve déjà trois faux en écriture. Ensuite, on fabriqua même des PV dans lesquels les mots de Regina Louf étaient transformés. Un de ces PV parut textuellement dans l'hebdomadaire Knack du 3 juin. En le lisant, je devais admettre moi-même: De Baets pose vraiment des questions très suggestives ! (rit, soupire, puis se tait). Tous les moyens étaient bons, hein.

Humo: Nous sommes alors en été 1997. La fin approche.

De Baets: Oui. Le 20 juin le juge d'instruction Van Espen, la magistrate Paule Somers, le commandant Duterme, son adjoint Jean-Luc Decker et les " relecteurs " Philippe Pourbaix et Baudoin Dernicourt tiennent une réunion secrète, au cours de laquelle il est décidé que Van Espen va adresser une lettre au commandement de la gendarmerie, pour se plaindre de moi et de mon équipe. Le 22 juin Van Espen écrit la lettre qui arrivera à la gendarmerie le 24 juin. On décide immédiatement que l'enquête sur le meurtre de Christine Van Hees, le dossier de la champignonnière, doit être arrêtée.

Humo: Que vous reproche Van Espen dans cette lettre ?

De Baets: Mon nom n'y apparaît même pas. Van Espen m'a déclaré plus tard qu'il n'avait rien pu écrire à mon sujet. Cet homme a mené avec moi ses meilleures enquêtes. Il me connaît par cour. Et je pensais le connaître. Dans sa lettre du 22 juin, il s'en prend à "des membres de l'antenne Neufchâteau", et il nous reproche grosso modo trois choses: que nous aurions mené une enquête parallèle avec le conseiller Etienne Marique, que nous aurions retenu des informations, et que nous aurions mal accompli certains devoirs qu'il nous avait demandés.

Humo: Comment Van Espen pouvait-il vous reprocher d'avoir travaillé avec Marique ? Ce magistrat travaillait pour la Commission d'enquête Verwilghen. S'il vous demandait quelque chose, vous étiez quand même obligés de répondre ?

De Baets: Quelqu'un avait envoyé une lettre au président de la Commission Dutroux Verwilghen au sujet de liens supposés entre Michel Nihoul et l'ex-premier Paul Vanden Boeynants. Le conseiller Marique m'a demandé si je voulais mener une petite enquête préparatoire sur l'auteur de la lettre, qui il était, s'il était fiable etc. J'ai fait les contrôles administratifs normaux et j'en ai transmis les résultats à Marique. Il s'agissait de l'exploitant d'une boite de nuit où Nihoul se rendait régulièrement. En mai 1997, Marique auditionna le bonhomme. Après cela, il me téléphona et me dit que cela pouvait être intéressant pour nous de parler avec ce monsieur. Son témoignage concernait une affaire que VDB et Nihoul auraient réalisée ensemble, du trafic de cigarettes de Bulgarie vers l'Italie en passant par la Belgique.

Humo: VDB a toujours eu de très bons contacts commerciaux dans les pays de l'Est.

De Baets: Il s'agissait de fausses Marlboro qui arrivaient de Bulgarie, étaient planquées quelque part à Ternat, cachées dans des balles de coton et ensuite exportées vers l'Italie. D'après le témoin, VDB était le commanditaire du trafic. A un moment donné, le transporteur s'est fait arrêter à la frontière italienne. Et qui négocia avec la douane italienne ? Nihoul. Le transporteur a été laissé en liberté. J'ai recommencé à enquêter sur cette affaire et j'ai constaté que ce dossier existait bel et bien. L'affaire avait été traitée à l'époque par la brigade de recherche de la douane de Bruxelles. Il y a même eu des arrestations, mais elles n'ont touché que les intermédiaires.

Quel était l'intérêt potentiel de cette affaire pour moi ? Regina Louf parlait d'événements dans les années septante dans lesquelles des politiciens bruxellois auraient été impliqués. Cela pouvait être l'illustration du fait que Nihoul et VDB étaient déjà dans la course. Mais Philippe Deleuze, l'ex beau-frère de Van Espen, apparut aussi dans cette histoire, donc vous devinez la suite.

Humo: La lettre de Van Espen signifiait la fin de l'enquête Christine Van Hees, mais elle annonçait aussi votre éloignement de l'antenne de Neufchâteau et de la BSR

De Baets: Le 11 juillet 1997, le juge d'instruction de Neufchâteau Jacques Langlois rédige une apostille, un ordre de " relire " les déclarations des témoins X. Il y mentionne expressément que les déclarations ne peuvent pas être relues par ceux qui ont procédé aux interrogatoires. Je ne peux donc par relire X1, mais je pourrais relire X2. Langlois ne m'écarte pas de l'enquête. Mais le commandant Duterme ne l'a pas compris ainsi. Le 20 août 1997, il décide d'éliminer mon équipe et l'équipe d'enquête. Il en informe par lettre le procureur Michel Bourlet et le juge d'instruction Langlois. Bourlet informe immédiatement par lettre Langlois qu'il n'est pas d'accord. Plus tard il dira qu'il a dû céder à une forme de chantage de la part du commandement de la BSR de Bruxelles pour écarter certaines personnes de l'enquête.

Mais Duterme n'en est pas troublé pour autant, et la hiérarchie de la gendarmerie le couvre. Le 26 août 1997, le chef de la BSR de Bruxelles, Jean-Marie Brabant confirme ma mise à l'écart dans une note à Bourlet et Langlois. Mais comme ils ne sont pas tout à fait sûrs que Bourlet et Langlois vont accepter cela, Duterme dépose le même jour une plainte contre moi pour "faux en écriture par fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions." Ils font immédiatement ouvrir un dossier au parquet et voilà, ils ont une raison de me jeter: tant que dure l'instruction, je ne peux pas continuer à travailler dans une autre enquête.

Humo: Le prétexte à la plainte de Duterme était la fameuse photo P10 : Regina n'aurait pas reconnu Christine Van Hees parmi une série de photos qui lui étaient présentées. Elle aurait désigné une autre jeune fille comme étant Christine Van Hees, et vous ne l'auriez pas mentionné dans votre procès verbal. Vous vouliez cacher cela aux magistrats.
Patrick De Baets: Le 6 décembre 1996, un procès verbal est dressé par Philippe Hupez. Dans ce procès verbal se trouve ce qu'il faut: que P10 n'est pas Christine Van Hees. Le PV est remis par porteur au juge d'instruction Langlois à Neufchâteau le 10 décembre et le 29 décembre il est remis au parquet de Bruxelles, au magistrat Paule Somers. Ce PV est également mentionné dans ce qu'on appelle la " synthèse opérationnelle " que chaque personne qui était concernée par l'enquête a reçue: ma hiérarchie à la BSR, les différentes équipes d'enquêteurs de la gendarmerie et de la PJ, les juges d'instruction, les parquets de Neufchâteau, Bruxelles, Gand et Anvers. Que veulent-ils dire par " cacher " aux magistrats" ?


Humo : La plainte de Duterme n'était donc basée sur rien ?

Patrick De Baets (un peu nerveux pour la première fois): Duterme a écrit n'importe quoi. Il ne savait pas quoi dire. Il avait reçu l'injonction péremptoire de saborder l'enquête à tout prix. Il a fini par admettre que le PV sur la photo P10 avait été établi correctement, mais que par malveillance nous l'aurions retenu à l'égard du juge d'instruction Van Espen. Alors que nous ne travaillions même pas pour Van Espen à l'époque ! Nous travaillions pour le juge d'instruction Langlois à Neufchâteau. Malgré tout, Van Espen a reçu le PV, le 20 janvier 1997, avant même d'être désigné à nouveau comme juge d'instruction pour le dossier de la champignonnière, mais Duterme ne s'en était même pas rendu compte. C'est comme cela qu'il m'a attaqué.

Humo: Suite à cette plainte, le juge d'instruction bruxellois Pignolet a ouvert une enquête à votre sujet ; elle dure depuis deux ans.

De Baets: Alors qu'il aurait pu clore son instruction après dix jours. Encore plus fort: le 30 septembre, le dossier du parquet était transmis à Pignolet. Dès ce jour, il savait que je n'avais pas commis de faux en écriture. J'étais chez lui. Je lui expliquai où, quand et par qui le PV P10 avait été rédigé. Le 12 septembre, Pignolet auditionna Duterme, qui admit que le PV existait bien. Malgré cela, Pignolet poursuivit l'enquête.

Humo: C'est pour le moins, l'Absurdistan.

De Baets: Je pourrais vous en raconter pour tout un livre.

Le 4 décembre 1996 nous avons reçu du Parquet de Bruxelles nos premiers devoirs d'enquête dans l'affaire de la champignonnière, après que le magistrat national Patrick Duynslaeger ait remis le dossier au magistrat Paule Somers. Savez-vous ce dont on nous accuse après coup ? De n'avoir informé le parquet au sujet de la champignonnière que le 2 janvier 1997. Essayez de vous défendre contre des accusations aussi insensées.

Autre exemple: une des questions du juge d'instruction Pignolet aux enquêteurs était: "Examinez l'implication de De Baets ou de son père, dans le meurtre d'Alexandre Galopin, directeur de la Société Générale et grand-père du Baron Benoît de Bonvoisin." Ce meurtre a été commis le 28 février 1944. Je suis né en 1952. J'ai reconnu que je n'avais pas commis ce meurtre ! Ensuite, ils ont tenté de démontrer que j'avais été en classe avec Regina Louf. Apostille du juge d'instruction: "Veuillez entendre De Baets au sujet de ses études et vérifiez ses déclarations." Hop, une brigade en folie fonça à mon ancienne école et plongea dans les archives. Regina Louf - qui est née en 1969 - soit 17 ans après moi déclare que lors d'une audition, on lui a posé la question: "Avez-vous été en classe avec Patrick De Baets ?" Quand j'étais en première année de kinésithérapie, Regina Louf avait un an. J'ai ces pièces. Je peux le prouver ! Un juge d'instruction gagne environ 200.000 francs par mois.

Humo: Dans une entreprise normale, un Pignolet serait vite renvoyé chez lui avec son C4.

De Baets: Le Baron Benoît de Bonvoisin - un homme à l'emprisonnement duquel j'ai contribué - est allé trouver Pignolet et lui a raconté que mon père était un collaborateur. Pignolet s'est renseigné auprès de la gendarmerie et là on lui a répondu : "Ce n'est pas vrai, le père de De Baets était un résistant, voici son numéro d'affiliation au Front Indépendant. Pignolet disposait de cette information sur papier. Il me fait quand même convoquer un midi : audition au sujet de mon père. "Votre père était-il un collaborateur ?" "Non, mon père était un résistant". "Pouvez-vous le prouver ?" "Oui" Je vais chez ma mère et y cherche dans le grenier tous les documents possibles au sujet de mon père comme résistant. Son adhésion à l'armée parallèle, son évasion de la prison de Gand, ses décorations, ses obsèques avec les honneurs militaires, une photo de moi lors des funérailles, alors que je pose sur le cercueil le coussin avec ses décorations. Je copie tous ces documents et les fais parvenir à Pignolet. Par après, au moment où j'ai accès au dossier, je m'aperçois que Pignolet était au courant de tout cela. (Silence). Thérapie occupationnelle, hein. Humilier les gens, les diminuer, les casser psychologiquement, et tromper l'opinion publique à l'aide de quelques journalistes qui se laissent manipuler sciemment. La gendarmerie est aussi au courant, mais n'a jamais réagi à tous ces mensonges que " Le Soir illustré ", " La Dernière Heure " et " Knack " ont publié à mon sujet.

Humo: Christine Dekkers, l'actuel procureur général d'Anvers, a déclaré un jour qu'il faudrait calculer tout ce que ces enquêtes sur base des déclarations des X ont coûté. Son éminence le procureur général devrait aussi calculer combien toute cette enquête inutile à votre sujet a coûté.

De Baets: A un moment donné ils sont allés tourner en hélicoptère au dessus d'une maison que loue ma femme à Wetteren. Ils voulaient prouver qu'elle exploitait un bar. Le frère de l'actuel commandant de la gendarmerie, Hermann Franssen, avait eu cette idée. Ce frère est le chef-adjoint de l'inspecteur de la gendarmerie. Il dirigeait l'enquête à mon sujet. A un moment donné, dix hommes travaillaient sur ce dossier. Il comporte environ dix mille pages. Evidemment que ça a coûté de l'argent.

Humo: En juillet 1998, vous êtes encore accusé d'avoir violé le secret professionnel. Vous auriez fait des révélations à Claude Eerdekens, chef de groupe PS et membre de la Commission Dutroux. Il l'avait lui-même déclaré à Pignolet.

De Baets: Le cas Eerdekens est jusqu'à présent la seule inculpation qui ait résulte de l'enquête de Pignolet, mais je viens d'apprendre que le parquet ne veut pas non plus nous inculper pour cette blague-là, car c'en est une. L'affaire passerait seulement en chambre du conseil en octobre, Pignolet n'a pas eu le temps avant. Pour laver notre honneur il y a rarement le temps.

Humo: Quelle enquête est encore en cours à votre sujet ?

De Baets: L'enquête mammouth de Pignolet est terminée depuis début juin de cette année et le dossier transmis au parquet. Ce parquet doit maintenant décider si nous devons comparaître devant le juge ou non. Le procureur Benoît Dejemeppe a déjà pris connaissance du dossier. On nous a déjà informé qu'il n'y aura aucune inculpation contre Aimé Bille ou moi-même, mais on veut encore voir si nous n'avons commis aucune faute déontologique. Dejemeppe a aussi déclaré qu'il ne pourrait traiter cette affaire avant la fin de l'année, donc classer sans suite. Ils ne veulent pas reconnaître sur papier que l'enquête à mon sujet est terminée et qu'elle n'a rien donné.

Humo: On ne se presse pas. Dans votre cas l'arriéré judiciaire ne doit pas être rattrapé?

De Baets: On a fait croire à la population qu'il s'agissait de faits très graves, n'est-ce pas. Et maintenant il leur va falloir reconnaître qu'il n'y a rien. Il faut que cela ne se remarque pas trop. C'est pareil pour l'enquête disciplinaire que la gendarmerie mène à mon sujet. Elle est en cours depuis 25 mois, et cela dure. Le mot d'ordre est : " gagnons du temps, parce que si nous devons reconnaître maintenant qu'il n'y a rien, nous nous rendrons ridicules ".

Humo: Il n'y a vraiment rien du tout ?

De Baets: Si, il y a quelque chose: j'ai été impoli envers le juge d'instruction Pignolet. Le 3 novembre 1998, il m'a appelé pour la xième fois. L'ordre est tombé: "Demain à treize heures dans mon bureau pour une audition". J'ai répondu "Cela n'ira pas, parce que je dois accompagner ma femme à la clinique." Elle devait subir une grosse opération. J'ai donc dit à Pignolet: Si vous voulez vraiment me voir, vous devez signer un mandat d'arrêt et me faire arrêter à la clinique de Gand." Il a marmonné quelque chose comme "Je dois aussi faire mon travail." Et là je me suis fâché. J'ai gueulé: "Débrouillez-vous avec votre brol. Et si vos petits indiens viennent me chercher, veillez à ce qu'ils soient armés, parce que celui qui ne me laisse pas tranquille demain, je lui tire dans les couilles." C'était un moment où j'en avais tellement marre que cela ne pouvait plus rien me faire. (Il réfléchit, tire sur sa cigarette). Des moments pareils, vous ne pouvez pas en avoir beaucoup, parce qu'ils vous envoient au trou. Pignolet était donc très heureux de mon éclat. Il a immédiatement dressé un joli petit procès verbal. Hop, tout de suite au parquet général. Cela m'est maintenant resservi dans l'enquête disciplinaire: " usage de langage non-diplomatique à l'encontre d'un juge d'instruction ".

Humo: Si vous apparaissez maintenant comme innocent, alors des gens comme le procureur Dejemeppe, la substitute Paule Somers, les juges d'instruction Pignolet et Van Espen, le commandant Duterme, le lieutenant-major (vérifier) Brabant, le commandant de district Torrez, ainsi que le général de la gendarmerie devraient au moins être sanctionnés. A l'aide d'un gaspillage gigantesque des deniers publics et d'occupation des hommes, ils ont bousillé une enquête et ont trompé l'opinion publique.

De Baets: En effet.

Humo: Et ils ont démoli, moralement et en partie physiquement, des gens qui faisaient leur travail. Pas rien que vous, mais aussi Gregory Antipine, le bras droit de Georges Marnette a mis fin à ses jours.
De Baets: Antipine avait peut-être un autre problème. Il avait peut-être peur de la vérité qui, tôt ou tard, devrait quand même se faire jour. Je n'ai pas peur de la vérité. Elle est de mon côté.


Humo: Etes-vous convaincu que les X sont neutralisées pour une sorte de raison d'état ? Cela devait s'arrêter, cela ne pouvait pas sortir, parce que cela pouvait déstabiliser le pays ?

De Baets: Si dans cette affaire nous n'avons pu aller jusqu'au bout parce qu'on voulait protéger certaines personnes haut placées, alors c'est très grave, hein. Cela voudrait dire que nos institutions sont devenues les protectrices de la perversité et de la perfidie. (Hésitation). Je ne sais pas. A mon avis, l'enquête a été sabotée à un échelon plus bas, par des gens qui ont fait partie de l'entourage de Nihoul, et qui ont des entrées et des amis parmi les services de police et la magistrature. Et qui entretiennent de bons contacts avec la presse, parce que la presse a dû relayer l'idée que "ce n'est pas possible" jusque dans la population.

Humo: Vous devez avoir envie d'en découdre avec la presse. Ils vous ont mis à mort et ont radoté à votre sujet. Sans le soutien d'une certaine presse, Duterme et Cñ n'auraient jamais pu vous démolir.

De Baets: Oui, c'est pour cela que nous sommes en train de donner des sueurs froides à un grand nombre de vos confrères. Nous avons lancé des procédures pénales et civiles contre Le Soir Illustré, La Dernière Heure, Télémoustique, Le Vif-l'Express, Père Ubu, La Meuse/La Lanterne, La Nouvelle Gazette, et même toute une série contre Knack. Nous avons déjà gagné la cause contre Pan. Ils se souviendront encore longtemps de ce qu'ils ont écrit à mon sujet. Et quand tout cela sera derrière le dos, Aimé Bille et moi-même allons citer l'Etat belge et la gendarmerie. Nous exigerons 25 millions. Chaque franc sera parfaitement justifié. A ce jour nous avons déjà dépensé plus de six millions en honoraires d'avocats, alors qu'étant "inaptes au travail", nous gagnons 30 à 40 mille francs de moins par mois. Et les grands procès sont encore à venir, donc, la note d'avocat dépassera les 10 millions.

Mais il ne s'agit pas d'argent. Ils ont brisé deux ans de nos vies. Ils ont brisé notre carrière, ruiné notre santé, foutu notre vie privée en l'air en rompu notre confiance dans la justice.

(Après un long silence) Savez-vous ce que je trouve le pire ? Après avoir refermé les dossiers X, ils sont allés interroger Dutroux et Nihoul sur les déclarations de Regina Louf. Pour pouvoir fermer tout à fait cette porte, en quelque sorte. Mais ceux qui les ont entendus n'avaient pas pris la peine de se préparer. Ils ont donc simplement demandé à Nihoul et Dutroux: "Est-ce vrai, tout ce qu'on trouve dans la presse au sujet des X ?" Que pensez-vous qu'ils ont répondu ? "Mais non ! Ce ne sont que des bêtises! L'erreur judiciaire du siècle !"

C'est cela, la justice belge: Dutroux et Nihoul peuvent tranquillement dire que rien n'est vrai, et on les croit. Et on n'utilise plus les moyens nécessaires contre eux. Ceux-ci sont consacrés à démonter ce fou de De Baets et cette folle de Regina Louf. Tandis que Dutroux et Nihoul sont des gens raisonnables à qui on peut simplement demander ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas.

(Interview : Danny Illegems et Raf Sauviller)


http://old.radicalparty.org/interviews/humo280999.htm



http://www.megaupload.com/?d=9RVV8FDL








 

Entretien exclusif avec Marc Toussaint et Xavier Rossey (Alain Gossens et Hermés Kapf)



Le dernier article d'Alain Gossens a été publié en août dernier dans ce magazine:




Vous pouvez voir l'édito ici:

http://www.scribd.com/doc/35279294/Secret-d-Etat-Aout-2010-Editorial

Et l'interview de Marc Toussaint et Xavier Rossey, tirée de ce numéro à lire ou télécharger ici:

http://www.scribd.com/doc/36140930/Tous-Manipules-Interview-de-Marc-Toussaint-Xavier-Rossey-Aout-2010

http://pdfcast.org/pdf/dossiers-secrets-d-etats-interview-m-toussaint-x-rossey-ao-t-2010

 

Willy Holvoet: Le gendarme qui embarrasse sa hiérarchie

 
Willy HOLVOET
Le gendarme qui embarrasse sa hiérarchie

Comme nous l'avons déjà précisé, Willy Holvoet est encore, à l'époque où nous rédigeons ces lignes, gendarme ou plutôt policier fédéral depuis la réforme qui a institué une police unique à deux niveaux, un niveau fédéral et un niveau local. Il sera vraisemblablement écarté des forces de l'ordre d'ici à la fin du mois de mars, officiellement parce que son état de santé psychologique ne serait plus en adéquation avec ce qu'un corps de police est en droit d'attendre. L'homme a fait l'objet d'innombrables pressions et tracasseries ainsi que d'une expertise psychiatrique qui ressemble bien plus à une farce d'un pays totalitaire qu'à un examen honnête. Willy nous livre ici avec une certaine retenue et beaucoup de sous-entendus ce qu'il pense de l'affaire Dutroux et des changements que la Belgique a connu depuis la fameuse Marche Blanche. A vous de juger…

Karmapolis : Le procès Dutroux est ouvert, comment ressentez-vous cet événement?

Willy Holvoet : Comme certaines personnes, dont les parents, je n'attends rien de ce procès. La vérité ne peut ressortir d'un procès où tous les responsables ne sont pas présents sur le banc des accusés. De nombreuses questions sont restées et resteront sans réponses. L'événement servira juste à dédouaner la Belgique en général et le gouvernement en particulier. Une simple opération de relation publique, pas une quête de vérité.

Depuis la marche blanche, comment les choses ont-elles changées en matière de gestion du dossier "disparition d'enfants"?

J'aurai tendance à dire que c'est pire qu'avant. Chaque année, deux cents enfants ne sont pas retrouvés dans notre pays. Le gouvernement justifie ce chiffre en le diluant avec les rapts parentaux et autres. On peut se demander pourquoi ils nous mentent. Aucune leçon n'a été tirée de l'affaire Dutroux et la gendarmerie (Gd) n'a jamais reconnu ses fautes, voir le gouvernement à cautionner, voir favoriser la politique de la GD de l'époque. La preuve, c'est qu'on a promu la totalité des gendarmes impliqués de près ou de loin dans cette affaire.

Cela veut-il dire que si la GD (ou plutôt la police unique) se trouverait devant le même genre d'affaire aujourd'hui, elle ferait la même chose ?

Oui

Pourquoi il n'y a plus de réelles réactions, de manifestations de la part des comités blancs ainsi que cette atmosphère de mobilisation qu'on a connue en 1996 en Belgique ?

Les comités blancs sont apparus par la volonté du peuple belge de se révolter pacifiquement face aux drames dont des enfants étaient victimes. Ces groupes de personnes qui se sont créés tant à gauche et qu'à droite mettaient en danger les pouvoirs institués. Nos gouvernants tremblaient devant ce qu'ils ne pouvaient maîtriser, contrôler. L'état était déstabilisé. Il fallait réagir et vite. La preuve la plus importante de cette puissance spontanée du peuple belge était justement la marche blanche. Dehaene (note : le 1 ier ministre belge de l'époque) l'a compris, c'est pour cela qu'il avait invité les familles à cette table ronde et malheureusement, ils sont tombés dans le piège. Le premier pas de la neutralisation de ce mouvement était en route. Mais il fallait aussi les contrôler de l'intérieur afin de savoir ce qui se préparait. Il fallait à tout prix neutraliser tous ces groupes de personnes qui se créaient.

Comment alors les contrôler et les neutraliser ?

A partir de 1995, des sondes ont été envoyées vers les parents des victimes afin de les surveiller et de faire rapport sur leurs éventuelles réactions. Certaines de ces sondes ont été identifiées et d'autres pas. Plus tard, en 1996, le même système a été utilisé pour les comités blancs. On envoyait des gens apparemment insoupçonnables.

Mais qui sont ces sondes ?

Je tiens à ma paix et à ma sécurité. J'ai déjà eu assez d'ennuis comme cela.

Est-ce que les dossiers de pédophilie ont un rapport avec les autres dossiers "noirs" de la Belgique (tueries du Brabant, Gladio, groupe G etc.)

Il y a effectivement des points communs entre bons nombres de dossiers non résolus en Belgique. Le premier commun, c'est une évidence, c'est qu'ils ne sont pas résolus. Ensuite, ce sont des dossiers qui ont en commun une autre chose : le pouvoir de l'information. Les protagonistes se tiennent les uns les autres par les informations qu'ils possèdent les uns sur les autres. Tout fonctionne grâce au chantage et à la loi du silence. C'est comme cela qu'on s'assure des complicités sans failles. C'est comme cela que ce pays est dirigé.

La Belgique est-elle au centre des réseaux pédophiles à vocation internationale ou un Etat suiveur où le phénomène de la criminalité pédophile est anecdotique ?

La Belgique est une plaque tournante en Europe concernant la pédo-criminalité. Elle a une place importante d'abord parce qu'elle abrite un grand nombre d'institutions internationales, ensuite à cause de la situation géographique, centrale en Europe du Nord. Officiellement, il n'y a pas de réseau. C'est comme cela qu'ont pu prospérer dans une relative impunité le réseau du Cries (célèbre réseau pédophile que l'on a pu finalement en partie démanteler à la fin des années 80 grâce à un fichier contenant les noms des membres du réseau) ou encore le réseau Spartacus, les listes Cathédrale, Coral etc. dans lesquels on retrouve beaucoup de Belges.

Pensez-vous que l'analyse d'une certaine frange des spécialistes américains en matière de pédophilie -à savoir l'existence d'un programme Monarch de modifications et de soumissions du comportements des enfants- peut s'appliquer à la Belgique avec le phénomène inexplicable des témoins X?

Il y a beaucoup à dire concernant les témoins X. Il est vrai que l'utilisation des enfants, leur "programmation", certaines pratiques presque ritualisées ressemblent à ce plan "Monarch". Utiliser les enfants pour du chantage sur des personnalités (note : personnalités qui se sont adonnées à la pédophilie), pour terroriser où plus simplement pour gagner de l'argent est une constante que l'on retrouve depuis plusieurs années dans plusieurs réseaux. Le "hic", c'est qu'en 96, une partie du masque tombait. Le public avait pris en fait conscience que cela existait, que te telles choses ne relevaient pas du fantasme. Mais tout a été noyé dans une foule d'informations et de désinformations, une vraie campagne de déstabilisation des opinions. Cela a été très habile.

Que pensez-vous de ces témoins X?

On ne peut mettre tous ces témoins dans le même sac. Autant je suis persuadé que les faits qui sont décris par certains sont exacts, autant je pense également que d'autres ne les ont pas vécus. Décrédibiliser un dossier de ce genre est simple. On l'a également constaté dans une célèbre affaire française, l'affaire Allègre, cet assassin multirécidiviste qui œuvrait dans les milieux de la prostitution. Par exemple: des faits stupéfiants et de mœurs sont dévoilés par des victimes, cela secoue la population à juste titre. La réaction est alors simple : on fait intervenir des personnes dites victimes qui surenchérissent dans l'horreur alors qu'elles n'ont pas réellement vécu ces faits. Les flics ou journalistes démontent les déclarations des seconds, morceau par morceau. Puisque l'on prouve qu'il y a eu mensonge, alors on en conclut que tout est faux, que toute l'enquête est contaminée. Classique mais très efficace.

Pourquoi est-il si difficile de débattre de l'affaire Dutroux, des témoins X et ce genre de dossier en Belgique ?

Il n'est pas difficile de débattre de ce sujet, c'est simplement impossible actuellement. Il faut savoir que les personnes citées par certains X sont aujourd'hui, simplement ministres. Alors...

Si des réseaux pédo-criminels internationaux ou puissants existent, qu'est-ce qui se profile derrière ces réseaux? Des groupes plus puissants comme l'affirment les thèses conspirationnistes?

Il y a plusieurs choses qui peuvent se cacher derrière ce genre de réseaux. D'abord une loi du marché, avec une offre et une demande. Un moyen de chantage. Une méthode de terrorisme et déstabilisation afin de créer une peur... Aller jusqu'à croire qu'il y a des sociétés secrètes, des lobbies très puissants visant à créer un nouveau type de pouvoir, c'est possible mais cela serait inutile, en fait de la pure spéculation et une erreur de ma part de vouloir mettre des noms dessus.

Quel a été votre parcours en bref, pourquoi devez-vous quitter la gendarmerie et quelle est aujourd'hui votre situation?

En quelques mots:

Après ma formation, je suis entré à l'anti-banditisme et terrorisme (ABT), puis j'ai été envoyé au Zaïre (aujourd'hui RDC) pour faire de la protection à l'ambassade de Belgique. Puis j'ai été travaillé au BCR (note : bureau central de recherche qui est la centrale de renseignements de l'ex Gendarmerie), aux banques de données puis j'ai été muté à la bibliothèque. Puis, j'ai eu tous ces ennuis, cette campagne de harcèlement de la gendarmerie. Et j'ai tous perdu, je suis inscrit à une banque alimentaire pour ma famille, je vends ma maison et depuis cette semaine, j'émarge au CPAS (note : système de protection sociale en Belgique qui accorde le minium de moyen d'existence)… Je zone quoi...

Depuis quand vos ennuis ont-ils commencé?

Mes ennuis ont réellement commencé quand j'ai fait confiance aux membres de la commissions parlementaire Dutroux car je voulais révéler des failles dans le fonctionnement de mon institution, ce que je n'aurais pas fait s'il n'y avait pas eu en jeu la vie de futures victimes mineurs d'âge, des enfants. J'ai été trahi par certains membres de la commission et par certains magistrats dont je tairai le nom.

Pourquoi s'intéresser au dossier des enfants disparus?

Si je n'avais pas réagi pour des enfants, alors je n'aurais jamais pu me regarder dans un miroir en sachant les informations que je possédais. Il fallait absolument que j'en parle d'une manière ou d'une autre. J'ai choisi la seule manière légale qui était en ma possession, la commission d'enquête parlementaire. Je pensais faire mon devoir.

Quelles sont les questions les plus importantes et les plus gênantes qui sont restées en suspens, sans réponses à l'issue de la commission parlementaire et qui ne seront peut-être pas abordées par le procès et par l'enquête?

Cela ne servirait à rien de développer la totalité des questions que je me pose concernant l'affaire de Julie et Melissa. Mais je peux en donner quelques unes:

Pourquoi avoir donné une protection policière au procureur Bourlet et au juge Connerotte si Dutroux n'était qu'un pervers isolé, donc inoffensif et s'il n'y avait pas de réseau?

Pourquoi la gendarmerie a fait pression sur certains membres de la commission d'enquête?

Pourquoi ne pas avoir déposé les auditions des gendarmes qui fréquentaient Nihoul ?

Pourquoi vouloir faire croire à tout prix que Dutroux est un pervers isolé?

Pourquoi ne pas avoir remis au public et à la commission les auditions de gendarmes qui ont fréquenté le Dolo (note : club échangiste  avec " entraîneuses " situé à Bruxelles qui fut un temps suspecté d'être le siège de partouzes avec des mineurs d'âge) ?

Pourquoi avoir dissimulé des informations à la commission?

Pourquoi certains hauts gradés de la gendarmerie qui étaient responsable de l'enquête ont-ils tous eu une belle promotion?

Qui a donné les ordres afin que l'enquête prenne cette tournure?

Pourquoi avoir fait croire qu'une perquisition avait eu lieu au BCR, par surprise, celle opérée sur instigation de la Commission par le juge Marique alors qu'en fait, la gendarmerie était parfaitement au courant qu'il allait y avoir cette perquisition? (Note : cette perquisition avait pour but de vérifier entre autre chose la nature des informations que le BCR possédait sur Dutroux)

Pourquoi des gendarmes, des magistrats et autres témoins privilégiés ont menti volontairement à tant de reprises devant la Commission sans que cela n'amène de sanctions ?

Quels types d'informations possède la gendarmerie de façon illégale sur les parlementaires de la Commission, informations qui auraient très pu servir de moyen de pression sur ceux-ci ?

J'ai encore tant d'autres questions. Mais ce sont des exemples.

Pourquoi les autorités ne veulent-elles pas vraiment entendre parler de réseaux internationaux, voire de réseaux organisés?

Plusieurs hypothèses peuvent être avancées mais la plus sérieuse concerne l'identité des personnes qui se trouvent sur les listes de ces réseaux. Certains débuts d'indices ont bien mis à jour comme par exemple les réseaux Spartacus, Cathédrale, Cries, Coral, Ado,...) mais rien n'a été exploité au niveau des listes, du matériel saisi etc… alors que la vie d'enfants et de bébés sont en jeu. On ne voulait pas prendre ces faits au sérieux.

L'Etat utilise t-il des techniques spécifiques pour noyer le poisson et nous faire croire que les choses vont bien? Lesquelles? Est-ce volontaire parce qu'ils sont complices ou parce qu'ils veulent dissimuler leur incompétence?

Oui, plusieurs. La manipulation de la presse, par exemple. La diffusion d'informations erronées. Où l'ordre de ne pas diffuser certaines informations. Cela a d'ailleurs été confirmé dans un article du Monde signé par un ancien rédacteur en chef d'un célèbre quotidien belge, "Le Soir", pour le nommer et qui expliquait les pressions et les menaces (notamment sur l'emploi) dont les journalistes belges sont victimes par le pouvoir politique . Le mensonge quasi systématique est une autre méthode qui fonctionne car on utilise le fait que le peuple fait confiance automatiquement à ce que peut dire un ministre ou un parlementaire. Comme c'est la voix officielle, alors c'est plus respectable. On y accorde instinctivement un certain crédit. Ce qui m'inquiète également, ce sont les liens que certains politiciens peuvent avoir avec des faits illégaux, l'implication de certains proches d'hommes politiques belges dans des faits délictueux et dont personne n'ose vraiment parler. De ce fait, cela amène à toutes les spéculations, toutes les hypothèses à semer un doute que les politiques ne sont pas presser d'éclaircir. Les politiques aiment utiliser leur pouvoir pour protéger ceux qui leur sont proches.

Y a t-il plus de disparitions ces dernières années ou est-ce parce que les gens vont plus aisément déposer plainte?

Difficile à dire puisque les statistiques ne sont pas tenues depuis longtemps. Une chose est certaine, c'est que le chiffre des disparitions est très élevé, plus élevé qu'on veut l'admettre, ce qui signifie que beaucoup d'enfants servent à des entreprises de commercialisation.

Pourquoi la gendarmerie belge a-t-elle voulu tant garder le monopole et le pouvoir dans ces dossiers de disparition d'enfants?

Une nouvelle fois, il n'y a pas qu'une seule réponse. L'une d'entre elles est la guerre des polices et le fait qu'elle voulait avoir la main mise sur les autres services de polices. Tous les coups étaient permis. La politique de pro activité est également une petite partie de la réponse. Vouloir utiliser les méthodes américaines dans un pays où la loi n'est pas adaptée montrait que l'on jouait à l'apprenti sorcier. Pour moi, la raison principale de leur non intervention dans l'enlèvement de Julie et Melissa était de suivre "le colis" et de remonter le réseau le plus haut possible.

Cela voulait-il dire que l'enlèvement était surveillé depuis le début?

Très vraisemblablement oui.

Cela veut-il dire aussi qu'ils étaient moins intéressés de libérer les petites à tout prix, que leur libération n'était pas une priorité ?

C'est une hypothèse sérieuse dans laquelle on peut dire que la récolte de l'information primait pour la Gd sur la sécurité des petites. L'hypothèse paraît peut être scandaleuse mais elle s'est révélée exacte dans d'autres affaires. Quand à ce qu'ils voulaient faire de cette information, et bien on peut imaginer par exemple le pouvoir qu'ils peuvent en tirer. L'information, c'est le pouvoir!

Pourquoi avoir été si pro actif? Au fait, pouvez vous illustrer, expliquer ce qu'est la pro activité dans ce genre d'enquêtes?

La pro activité est le fait de vouloir intervenir avant que l'infraction ne soit commise. La réactivité est le contraire. Intervenir lorsque l'infraction a été commise. Le problème de la pro activité c'est qu'elle frôle souvent les limites de la légalité, et c'était encore plus le cas en 96 avant la nouvelle loi. D'autres techniques utilisées à "titre d'essai" sont également à mettre dans ce panier. Par exemple, le fait de vouloir remonter un réseau, et donc accepter de surveiller des personnes sachant qu'ils commettent des infractions. En 96, c'était totalement illégal. C'est comme cela que des gendarmes sont capables de laisser des infractions se perpétrer sans intervenir. On peut alors mieux comprendre ce qui est arrivé dans l'affaire Dutroux.


Si l'on veut se rendre compte de l'énormité de la situation des disparitions d'enfants, où faut-il se renseigner?

Officiellement au Ministère de la justice ou de l'intérieur. Peut-être à Child Focus, puisqu'ils ont été créés pour aider à lutter contre ce phénomène. Enfin, c'est ce qu'on dit... Cette association est l'alibi comme quoi on essaie de faire quelque chose. Dans les méthodes de Child Focus, il y a l'impression de posters et de photos juste après la disparition de l'enfant. Cette méthode permet en fait de résoudre surtout les affaires de fugues ou de rapts parentaux mais pas la criminalité organisée.

Comment a-t-on procédé à la reprise en main de la révolte des comités blancs? Est-ce tangible ou plutôt impalpable?

Lorsque le gouvernement s'est rendu compte du danger des réactions de la population, ils ont demandé à leurs services (sûreté de l'Etat, gendarmerie,...) de faire le nécessaire. Comme je vous l'ai indiqué plus haut, ils ont envoyé des sondes auprès des parents puis dans les comités blancs Il n'y a donc pas de preuves tangibles, fracassantes.

Existe-t-il un groupe de personnes au sein de ces comités qui ont conscience de cette récupération?

Oui, il y a des personnes qui ont pris conscience de ce fait. Au niveau des mouvements blancs, d'abord les ministres ont reçus les principaux animateurs à l'occasion des fameuses tables rondes afin de prendre la température. Plus tard, il y a eu des gens venus plutôt connus disposant de certaines relations et donc de moyens qui se sont présentés puis infiltrés dans les comités. Mais je n'irai pas plus loin là dessus pour des raisons évidentes.

Peut-on dire qu'il y a eu une volonté délibérée de déstabiliser le pays en se servant de toutes ces affaires?

Non, je ne le pense pas. Il y a au contraire une main mise palpable de l'Etat et l'affaire Dutroux risquait d'ouvrir une porte et de montrer justement cette main mise occulte de l'Etat sur des dysfonctionnements.

Lorsque vous affirmez qu'en 1996, une partie du masque tombait, qu'est ce que cela veut dire? Qu'est-ce qui a été révélé et sur lequel on ne peut plus revenir, quelle vérité gênante la justice ne pourra jamais effacer?

La commercialisation des enfants et leur utilisation. La Belgique en a pris conscience.

Est-ce que l'affaire Dutroux et la gestion de ce genre de dossier est un drame typiquement belge ou peut-il se passer dans tous les autres pays?

Des phénomènes similaires se passent ailleurs. France, Angleterre, Etats-Unis… Malheureusement en Belgique on nie les faits. On tente de décrédibiliser des témoins et des faits et on ne met pas en avant une sincère volonté de lutter avec des vrais moyens.

Qu'avez vous constaté concernant l'existence de réseaux hollandais qui travailleraient aussi en Belgique?

Je n'ai aucun commentaire à faire à ce sujet.

Après avoir travaillé pour la Gd, vous êtes vous intéressé aux dossiers des enfants disparus? Avec quels moyens? Comment sont les gens que vous avez rencontrés dans ce milieu de la défense des intérêts des victimes et des familles de victimes? Pourquoi ne se révoltent-ils pas plus?

Oui, j'ai poursuivi tant bien que mal mes recherches mais sans moyen. Certains des intervenants, des bénévoles qui font partie de ces associations ont énormément de volonté et plus de connaissance sur le sujet que les services de police, c'est certain. Ils aimeraient parler plus, mais on les neutralise. Par on, j'entend des gens corrompus volontairement ou involontairement. Mais à nouveau je ne peux en dire plus.

Peut-on dire que certaines personnes dans ce milieu de la marche blanche contrôlent vraiment la colère, la subversion? Ont-ils vendu leur âme au diable soit par lassitude et découragement, soit sans s'en rendre compte? Ou bien est-ce pire?

Oui, pour moi c'est pire. Je trouve qu'il y a nombre de gens qui travaillent tant bien que mal dans le domaine de la disparition d'enfants et qui en font une routine, qui oublient que derrière leur routine de travail se cachent des souffrances innommables et que cela ne perturbe plus ou pas plus que nécessaire. Ce gens font leur travail sans se poser des questions. Le temps les jugera… Pour moi, c'est ça le pire!

Comment la gendarmerie vous traite-t-elle aujourd'hui?

Moins bien qu'une m...
J'ai tout perdu. Je n'ai plus un franc, je dois vendre ma maison, je suis endetté, fiché,... La gendarmerie refuse de payer depuis plus de 3 mois ma femme qui y travaille alors qu'elle ne leur a rien fait si ce n'est d'être mon épouse.

Pourquoi avez vous fait une grève de la faim?
Et quelle a été la réponse des autorités et de vos supérieurs hiérarchiques?

Aucune réponse, j'ai terminé trop tôt après 42 jours. Mais je ne pouvais aller plus loin à cause de ma famille… Moi aussi j'ai des enfants et ils ne doivent pas payer pour quelque chose qui n'est pas de leur ressort. J'ai été jusqu'où je pouvais aller. Cette grève avait comme objectif d'attirer l'attention sur le traitement particulier dont je fais l'objet suite aux dénonciations que j'ai faites et mais aussi face à l'inaction des autorités face aux abus, mauvais traitements et tortures de certains enfants dans notre pays.

Si on vous donnait de vrais moyens pour lutter, que feriez vous, d'abord en tant que gendarme? Ensuite, si vous n'étiez gendarme mais qu'on vous donnerait des moyens, qu'en feriez vous?

J'ai fait des propositions très concrètes mais elles ont été ignorées par Child Focus et par les services ad hoc. Mais je ne peux en dire plus car celles-ci sont utilisées par certains autres et sont efficaces.

A votre connaissance, est-ce que l'affaire de la "champignonnière" relevait d'une mise en scène (la façon dont le cadavre était "installé" avec des clous, du fil de fer etc.) ou bien cela signale t-il des rituels de type satanique ou sado masochiste? Il y a t-il eu ce genre de mise en scène dans d'autres affaires en Belgique? Est-ce un folklore pour égarer les enquêteurs, les intimider ou bien ces mises en scène ont vraiment une valeur rituelle?

Je ne répondrai que oui au fait que cela s'est passé ailleurs en Belgique du côté de Charleroi. Je n'ai jamais eu accès à ce dossier mais je sais que ce dossier fort curieux et atypique mérite que l'on s'y attarde plus que ce que les enquêteurs ont fait car ils n'ont pas été jusqu'au bout. On aurait alors pu vérifier la signification de cette mise en scène, si il y avait une valeur rituelle, etc.

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source:
http://www.karmapolis.be/intro/accueil.htm

 

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